La femme du cultivateur
la cultivatrice bourbonnaise
répercussions du code napoléon - tâches ménagères de la femme du cultivateur - tâches agricoles de la femme du cultivateur.
Répercussions du code civil
Pendant tout le 19ème siècle la femme est soumise au code napoléon ou code civil, qui affirme l'incapacité juridique totale de la femme mariée qui passe de la tutelle de ses parents à celle de son mari. Elle ne peut disposer de ses biens personnels, ni les gérer sans l'autorisation de son mari. Elle ne peut accomplir aucun acte juridique. Il lui est interdit de signer un contrat, de gérer les biens communs. Il lui est interdit de toucher elle-même un salaire. Elle est totalement exclue des droits politiques, n'ayant aucun droit politique ou civique.
Les « filles-mères » n'ont aucun droit.
Les mineurs, garçons ou filles sont privés de droits juridiques. Le mariage est soumis au consentement du père: pour le fils jusqu'à 25 ans, pour la fille toujours.
La femme veuve jouit en théorie de la plénitude de ses capacités juridiques, droit de vote exclu. Mais si la veuve a des enfants elle est surveillée par le Conseil de famille composé de membres de la famille de son mari décédé.
Quant à la femme célibataire majeure elle fait figure d'étrangeté.....
L'inégalité demeure dans les lois scolaires qui jalonnent le 19ème siècle jusqu'à la loi Jules Ferry qui rend l'école primaire obligatoire et gratuite pour les filles comme pour les garçons....
Dans le mariage la future apporte en général une dot, qu'elle confie à son mari, elle ne peut pas en disposer librement.
Si elle est veuve avec enfants, elle n'est pas automatiquement tutrice de ses enfants, il faut que le Conseil de famille lui accorde cette responsabilité, et elle dépend du subrogé-tuteur, de la famille de son mari décédé.
Si elle se remarie et qu'elle garde la tutelle, son nouveau mari devient le co-tuteur de ses enfants, comme c'est le cas de Pierre Bardot et Françoise Vincent en 1833 à Saint-Remy en Rollat.
Madeleine Lebourg suite à son remariage avec son beau-frère François Cognet à Escurolles en 1881 perd la tutelle de son fils, et la récupère à la mort de François.
A l'inverse la nouvelle femme d'un veuf avec enfants n'a aucun rôle dans la tutelle des enfants de son mari.
Quand elle apparaît dans les actes de vente ou d'achat de biens immeubles, elle est certes présente, mais toujours placée sous l'autorité de son mari, qui l'«autorise», y compris lorsqu'ils vendent un bien qui lui vient de ses parents à elle....
Lors des ventes aux enchères organisées lors de décès c'est le mari qui fait la plupart des achats, y compris pour les objets touchant plus spécifiquement la femme...
Cependant si le mari est indisponible, il peut constituer sa femme pour la mandataire générale et spéciale. Gilbert Baumont, domestique à Saint-Lambert (Nièvre) donne ainsi le 07/03/1838 pouvoir à sa femme, elle-même domestique à Chatel de Neuvre, pour eux et en leurs noms de régler toutes les affaires qu'ils puissent avoir. Pour que la situation soit bien claire Gilbert Baumont énumère toutes les actions possibles:
- procéder soit à l'amiable soit en justice au partage de tous les biens indivis entre eux et d'autres personnes
- vendre, céder, transporter les biens immeubles qu'ils peuvent avoir
- prêter des fonds sur hypothèque
- emprunter la somme qui pourrait lui être nécessaire
- entendre, débattre clore et arrêter tous comptes
- se faire rembourser toutes les sommes qui pourraient leur être dues
- en cas de difficultés citer et comparaître tant en demandant qu'en défendant devant tous juges et bureaux de paix , etc....
Mais cette situation est exceptionnelle parmi les cultivateurs et les domestiques....
Lors des décès ou des naissances ce sont des hommes qui font la déclaration; très rarement une femme peut accompagner le déclarant. Une exception pour la naissance est accordée à la sage-femme qui peut faire la déclaration....alors que pendant le première république, en prenant l'exemple du Mayet d'Ecole, les femmes témoins lors des déclarations de naissance sont fréquentes.
Lors des mariages les témoins sont les frères, les cousins, les oncles etc... ou des amis mais pas les femmes de la famille, qui sont cependant autorisées à signer l'acte (si elles savent le faire), comme simples personnes «présentes»....
Dans le domaine professionnel les filles et les femmes de cultivateurs sont considérées comme «sans professions spéciale», en dehors de domestique, journalière ou bergère....
La femme n'a aucun rôle dans le bail comme preneur, et comme bailleur seulement si elle est veuve ou si elle a une procuration de son mari. Sur le contrat de bail, de colonage ou de fermage apparaît le nom du preneur, éventuellement de son associé (gendre, frère, fils etc...) mais pas de l'épouse. Cependant à partir de 1872 le couple est nommé....
La femme ne peut pas traiter avec le bailleur, les comptes ne la regardent pas... Elle ne peut pas vendre une partie des récoltes....
Dans les sociétés de travail de la première moitié du siècle les épouses ne figurent pas sur le contrat comme sociétaires, et les parts sont attribuées aux hommes uniquement.
Par la suite les femmes sot précisées. Dans la répartition des parts ce sont les couples qui obtiennent une fraction de la société....
Cependant la femme veuve peut dans certains cas avoir les responsabilités d'un homme. Ainsi Magdeleine Courier veuve de Jean Daguenet, appelée au l'audience du juge de paix de Varennes du 06/09/1830, est déclarée « métayère et chef de sa communauté « demeurant au domaine de la Blanchisserie (Montoldre). Elle se défend contre son adversaire et le fait débouter ….
Tâches ménagères de la femme du cultivateur
Pourtant le rôle de la femme du cultivateur est primordial pour la bonne marche de l'entreprise... Lui incombent les tâches ménagères, pour lesquelles elle peut être aidée par les domestiques et les autres femmes de la communauté..
responsable de l'alimentation de la famille
la nourriture
Peu de documents renseignent sur l'alimentation des cultivateurs. Cependant dans les inventaires après décès il est question de réserves. On y retrouve les aliments produits sur place:
huile (de noix), confitures, noix, farine, confitures, beurre fondu, le beurre fondu en pot, le fromage en faisselle (mais pas fréquent- trouvé à Monestier en 1846)
le saloir, souvent dans la cave, contient de la viande de porc. Jambon et lard peuvent être pendus mais ne se trouvent pas dans toutes les familles....
Viennent de la basse-cour: la volaille et les oeufs
dans le grenier: pommes de terre, haricots de différentes sortes, pois, pommes, céréales (blé orge, avoine, etc...)
Les boissons courantes: vin rouge, vin blanc, cidre, boisson de sorbe.
Très peu de produits alimentaires sont achetés par le cultivateur: le café, le sucre, le sel, le vinaigre, la viande de boucherie pour les occasions exceptionnelles, et le vin si le cultivateur ne dispose pas de vigne.
Les boulangeries en ville ne sont pas des boutiques pour les cultivateurs, le pain est fait sur place, dans la maie ou le pétrin.....
Parmi les dettes sont cités des achats de vinaigre, de vin, de viande de boucherie et de porc, de blé, de farine etc... quand la production a été trop faible...
Les produits du jardin comme les légumes (pois mange-tout, pommes de terre etc...) , de la salade, et les fruits (pommes, poires, cerises etc....) et éventuellement champignons, escargots etc.... ramassés dans la nature ne sont pas toujours cités lors des inventaires, peut-être parce qu'ils ne sont pas gardés en grande quantité...
Une autre source de renseignements se trouve dans les achats faits par l'hospice de Gayette par adjudication en 1870 pour la nourriture fournie aux pensionnaires donnent une idée des aliments courants à l'époque, à la campagne.
- pain blanc sous forme de couronnes de 2kg, 20 à 25 kg par semaine
- froment seigle 2500 doubles décalitres de froment, 350 doubles décalitres de seigle
- haricots: 50 doubles décalitres de l'espèce dite pois biguerets ou pois jaunes
- beurre frais de Montmarault : 150 kg
- viande de boucherie : 3300 kg ,soit par semaine :
un gigot de mouton de 3 kg environ
un derrière de veau de 8 à 9 kg sans jarrets
le reste en boeuf, en quartier de derrière, sans jarrets
(le porc la volaille et les oeufs sont produits à l'hospice, ainsi que le lait et les veaux)
- épicerie
25 kg de morue
un arlequin de hareng
( Selon les préceptes religieux la viande est interdite certains jours et remplacée par du poisson).
20 kg de vermicelle
15 kg de pâtes d'Italie
10 kg de semoule
50 kg de fromage appelé formes
300 fromages secs de ménage
10 kg de figues
10 kg de raisins
100 kg de riz de Piemont
- huiles
- vin rouge et boissons
Cependant il faut rester prudent, les pensionnaires dans leur vie active n'ont pas tous pu se nourrir avec viande de boucherie, pain blanc, figues et raisins.....
Les ustensiles de cuisine
Pour préparer les repas la femme dispose d'ustensiles de cuisine, plus ou moins complets selon la situation financière de la famille. Dans le cas d'une communauté familiale c'est la femme du chef qui dirige la cuisine.
différentes manières de faire cuire dans la cheminée:
- bouilli
marmite en fonte avec couvercles
casseroles en fer battu ou en terre
- frit
poêles à frire, poêlon
- à l'étouffée
daubières en fonte avec leurs couvercles également en fonte
chaudière en fonte , petit chaudron
tourtière
- rôti
un gril
aiguille de broche à rôtir
objets divers pour préparer les repas:
panier à salade en fil de fer, passoire, entonnoir en fer blanc, écumoire
râpe à sucre, égrugeoir en bois
arrosoir en fer blanc, seau à puiser de l'eau
couperet, paire de ciseaux
couteau: rarement cité mais un couteau à 2 manches indiqué chez en 1820 Anne Berger, et en 1872 chez Jean Terret.
cafetière, filtre à café en gré, moulin à café
salière en bois, poivrière en fer blanc, moulin à poivre
planche à pâtisserie
crochet à peser
ustensiles pour servir à table:
vaisselle en terre ou en faience :
assiettes, plats, pot à eau en gré ou en faience, soupières, saladiers grands ou petits
cruches, cruchons, bols, terrines, salière
verres en terre, verres à boire
tasses à café
sucrier
couverts :
fourchettes en fer
cuillers en étain, en buis, en fer
grande cuiller en fer
couvert en bois pour la salade
petites cuillers à café en étain
verres à boire en verre, en faience
gobelets
chopines en verre noir
récipients pour conserver les aliments :
bouteilles en verre noir, bocal en verre noir
pots variés grands ou petits, en fonte avec couvercles
pots en gré pour le beurre, ou la graisse
pots pour le sucre
paillasses à pain
panier à fromage cages à fromage
corbeilles en osier
petits pots (pour les confitures)
sac d'étamine pour conserver lard et jambon
garde-manger (à la cave)
tines, tonneaux pour les liquides
le saloir (dans la cave)
baril de sel, de vinaigre
Les ustensiles sont nombreux et variés, mais la quantité et la qualité varient d'une famille à l'autre. Ainsi le nombre d'assiettes relevé s'étend de 6 à 32 ! quant au moulin à café, la cafetière et le filtre à café ils sont rares.
Le couteau n'apparaît pas parmi les couverts car il est un objet personnel...
Le femme veille à l'entretien de la maison, avec les achats courants comme les produits de mercerie, bougies etc...
le lavage et l'entretien du linge et es vêtements
Il en est très peu question dans les documents..
Cependant dans la plupart des maisons on trouve des seaux ou des baquets, parfois avec la précision "pour la lessive". La brouette est importante aussi pour transporter le linge jusqu'à la rivière au lavoir.
Le maire d'Escurolles en 1866 propose la construction d'un lavoir dont le besoin se fait sentir depuis longtemps. Le conseil municipal vote une somme de 247,39 francs, restée disponible sur les recettes de l'exercice courant, afin de commencer le travail. Il sera complété lorsque les recettes communales le permettront.
En 1838 au grenier est recensée "une corde pour étendre le linge"....
Le fer à repasser est cité en 1832 Claudine Guillot, également en 1870 chez Claudine Mouly
Marie Vernizy, femme de laboureur métayer à Crechy laisse à son décès en 1838 2 fers à repasser
La couture
L'activité textile dépend beaucoup des capacités personnelles de la femme du cultivateur.
Dans la société familiale Papon autour de Jean Papon le père puis de son fils ainé Claude, à Saint Gerand de Vaux, en 1825, cette activité semble florissante.
Laine et chanvre sous différentes formes et étapes de travail sont répertoriés dans l'inventaire, et les outils qui correspondent également, comme un peigne à peigner le chanvre et le fer pour le préparer. L'élevage des ovins permet la production d'une grande quantité de laine.
peigne de chanvre (musée Combraille à Marcillat)
Dans la maison Papon la femme dispose d'aunes de droguet de laine et fil, aunes de barrage en toile, toile neuve de ménage. Et en 1825 8 chemises en toile neuve de ménage sont coupées mais pas encore cousues.
Dans l'inventaire des biens laissés par Jean Chadrin et Marie Tantot à Saint Gerand de Vaux se trouvent en 1825 :
- deux cardes à carder la laine,
- un peloton de fil
- trois de laine
- une quenouillère
femmes bourbonnaises filant
- un écheveau de laine bleue
- 4 paires d'aiguilles à faire des bas,
femme bourbonnaise tricotant des bas
Le soin des malades, des enfants, des personnes âgées
Les mères accomplissent leurs tâches en veillant en même temps sur les enfants en bas âge.
Tâches agricoles de la femme du cultivateur
La femme du cultivateur participe également aux tâches agricoles
La basse-cour
Il s'agit de son domaine particulier. Elle élève la volaille et les lapins, et recueille les œufs. Elle est aidée par les enfants, qui gardent les oies, par exemple.
Le bétail
La femme cultivatrice veille à son alimentation, et à l'engraissage, et éventuellement à l'élevage des petits.
En plus de son alimentation elle s'occupe de le garder dans les pâturages si elle ne dispose pas de personnel .
La traite des vaches ( et éventuellement brebis et chèvres) est de son ressort, ainsi que la fabrication des fromages
La vente au marché
Cette activité est limitée, car la femme ne peut vendre que le surplus de la production, et seulement si le bail ne l'interdit pas...Elle obtient ainsi un peu d'argent qui lui permet d'acheter les objets de première nécessité.
C'est ainsi que François de Chizeuil, propriétaire du domaine de la Pinsonne à Paray sous Briailles interdit en 1873 la vente de beurre, lait et fromage aux colons de son domaine. Il ne leur reste donc que les oeufs et les volailles en surplus....
La nourriture des ouvriers
Lors des travaux sur le domaine le personnel occasionnel est nourri, pour les vendanges, pour la moisson etc....
Elle doit donc veiller à la préparation des repas pour un nombre important de personnes.
Le jardin
Dans le jardin elle cultive quelques légumes. Les hommes s'occupent de travailler la terre.
Les travaux des champs
Quand le besoin s'en fait sentir, la femme est appelée à participer aux travaux nécessitant beaucoup de manœuvre...
les foins
Les corvées chez le bailleur
Le travail demandé par le bailleur dans le cadre des survines concerne en général pour la femme l'aide à la lessive, et suivant les termes du contrat cette participation est exceptionnelle (2 fois par an par exemple), ou fréquente (aussi souvent que ce sera nécessaire)
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