La répartition de l'habitat du cultivateur
Le cultivateur loge près de son lieu de travail, surtout s'il élève du bétail, car il doit le surveiller.
S'il prend en fermage ou en métayage une exploitation, s'il est propriétaire de quelques lopins de terre et de sa maison, s'il est locataire avec des terres, l'implantation de son habitation peut avantager ou gêner l'exercice de son travail. En effet il a besoin de la participation de divers corps de métiers pour son activité professionnelle ainsi que dans sa vie quotidienne.
Les structures des communes du Bourbonnais sont variées. Théoriquement chaque commune est composée du bourg, de plusieurs villages ou hameaux et de fermes isolées plus ou moins éloignées du bourg et en dehors d'un village.
Le bourg dispose de la mairie, l'église, auberge et cafés, l'école (pas toujours), et les divers artisans.
Les petits propriétaires peuvent demeurer au bourg, car ils peuvent se rendre sur leurs champs, leurs prairies ou leurs vignes. Par contre pour les métayers et les fermiers c'est plus rare car peu d'exploitations (maison et bâtiments d'exploitation) sont situées au centre de la commune.
En prenant l'exemple de Billy, selon les renseignements que donnent les listes de recensement, on constate que le bourg offre les structures communales. Il est concentré autour de l'ancien château, en état de ruine au 19ème siècle.
extrait du cadastre de Billy
En 1846 il dispose d'un médecin, d'un notaire, d'un cantonnier, d'un garde-champêtre et
- pour les transports : de 2 voituriers
- pour l'alimentation : un boucher, 3 boulangers et 3 pêcheurs
- comme auberges-cafés : 1cabaretier, 1cafetier, 2 aubergistes
- pour la construction : 3 charpentiers, 3 couvreurs à paille/chaumier, 10 maçons, 3 menuisiers, un serrurier, un géomètre, un tailleur de pierre.
- pour la vente : 4 marchands et un débitant de tabac
- pour l'habillement : 6 couturières, 5 tailleurs d'habits, 5 sabotiers, un cordonnier, 8 repasseuses
Les professions liées à l'agriculture sont représentées par : un maréchal ferrant, un charron, 2 scieurs en long, 3 meuniers, 2 peigneurs de chanvre, 4 huiliers, un tonnelier, 6 tisserands, un vannier.
Mais seulement 9 cultivateurs, vignerons ou non, et 7 propriétaires habitent dans le bourg, alors qu'il regroupe la plus grande partie de la population: 408 habitants pour 1040 en tout.
Les autres habitants vivent dans des villages, comme Chalut, Garbas, Dalayot, la Paroisse, ou des hameaux comme Nardière, Allemandière, et de plus 7 domaines d'exploitation agricole isolés :
- Mirolet: une maison de 5 personnes
- domaine Saint-Mayard: une maison de 14 personnes
- Malonière: une maison de 11 personnes
- les Fontaines ou Belliant: une maison de 6 personnes
- Fontbourlibeau: une maison de 6 personnes
- domaine de Fougerat: avec une seule famille, celle de Antoine Guyot soit 11 personnes: 4 adultes (dont un domestique de 24 ans) et 6 enfants entre 12 et 18 ans (dont un domestique berger) et un enfant de 8 ans.
- le Plan: une maison de 12 personnes.
Les villages et les hameaux sont habités exclusivement par des propriétaires, des cultivateurs fermiers, métayers, journaliers... et ne disposent d'aucun artisan, avec cependant une singularité: le curé le sacristain et les 2 institutrices ne se trouvent pas au bourg mais au village de la Paroisse.
Un cas d'exception intéressant est formé par la commune du Mayet d'Ecole, village-rue typique, anciennement village dépendant de Jenzat.
extrait du cadastre du Mayet d'Ecole
rue principale Le Mayet d'Ecole
La population du bourg est de 836 habitants sur 883.
Au bourg se cotoient les cultivateurs et les artisans:
87 propriétaires (en exploitation directe?), 7 vignerons, 2 métayers, 3 fermiers, 3 propriétaires cultivateurs, 17 cultivateurs, 21 locataires, 24 journaliers.
Ils peuvent compter sur la collaboration de 4 charrons et 4 maréchaux, un tonnelier de 2 marchands de blé et d'un de farine.
Pour les réparations dans les bâtiments ils ont à la portée de la main un charpentier, 4 maçons, un menuisier, un serrurier.
Ils peuvent faire appel aux services de 2 tailleurs d'habits, un tisserand et un cordonnier, pour leur habillement, et de 2 boulangers et un boucher pour les repas exceptionnels.
Pour les déplacements ils disposent d'un maître de poste, avec 8 postillons, et d'un voiturier, et pour les rencontres d'un aubergiste et d'une cabaretière.
Les notables présents au Mayet sont le notaire, le percepteur, le curé et le sacristain, l'instituteur, le garde champêtre.
Seulement 4 domaines (moulin du Mayet, Beaume, Fouranges, les Moines) sont éloignés du bourg:
Moulin dit Infernal
- Le moulin dit « Moulin infernal » se trouve assez isolé, mais abrite 18 personnes : le propriétaire et sa femme, son gendre, meunier et sa femme avec un enfant 4 domestiques, 2 gardes du moulin et 7 domestiques.
- A la Beaume demeure un couple de journaliers avec 2 enfants en bas âge et une famille de fermiers, 2 couples, une enfant en bas âge et un domestique.
- Les Moines est donné en métayage à une famille, le père âgé avec son fils, sa bru, sa fille, son gendre et 2 enfants.
- A Fouranges un couple avec 3 enfants en âge de travailler et un domestique sont métayers. Leurs voisins sont un couple de locataires avec 3 enfants.
Brout-Vernet n'existe comme commune que depuis 1831, par la fusion de Brout et de Vernet. Mais il s'agit en fait d'un ensemble de plusieurs villages, d'origines très anciennes correspondant aux anciennes seigneuries autour d'un château : Escolles, Lafont-Saint-Mazeran, Fouranges, Langlard, Morelles, le Pointet, le Poirier, Marmagne, les Dacques, Saint Paul Vigenère, la Mothe de Brout, Chaussecourte.
extrait du cadastre de Brout Vernet
C'est pourquoi le bourg, en 1846, n'a que 382 habitants pour 1910 en tout, avec des villages importants comme Langlard 124, Saint-Paul 136, Les Dacs 136 , Le Vernet 131, Ecole 172.
Les anciens édifices des châteaux ont pour la plupart disparus mais de nouveaux ont été édifiés au 19ème siècle.
Château d'Escolles
Brout tient lieu de bourg pour la commune, et dispose de l'église avec le curé et d'un sacristain, de la mairie, d'un notaire, du percepteur, d'un garde champêtre mais pas d'école.
Aucun métayer ou fermier n'est recensé au bourg, mais environ 30 familles de cultivateurs, et la majorité de métiers variés. Certains hameaux abritent des artisans ou des commerçants :
- Mirabeau : un maçon
- Saint-Paul : 3 maçons, un serrurier, 2 tisserands un charron
- Côte rôtie : un maçon
- Les Dacs : un meunier et un tailleur
- L'Etang : un aubergiste, un charron, un garçon meunier
- Le Vernet : un tuilier, un aubergiste
- Le Poirier : un cantonnier
- Les Morelles : le juge de paix, un aubergiste, un maçon
- La Terrasse : un charpentier
- Les Combes : un cantonnier, un charpentier, 2 aubergistes, un scieur en long avec 10 compagnons.
Brout-Vernet n'a qu'une ferme isolée : Chausse courte où vit la famille Greliche, propriétaire, couple avec un enfant et 5 domestiques.
Saint Didier en Rollat
Certains bourgs sont très peu peuplés, comme Saint-Didier en Rollat qui en 1846 n'a que 140 habitants au bourg mais 866 en tout.
extrait du cadastre de Saint-Didier
Le bourg ne dispose pas de toutes les commodités. Le curé et le sacristain s'y trouvent, ainsi qu'un ménetrier (Antoine Bougarel âgé de 26 ans) mais ni médecin, ni instituteur, ni voituriers etc....
Au bourg vivent 7 familles de cultivateurs, 9 locataires, un métayer, 6 bûcherons et un scieur de long, 3 maréchaux, 2 cabaretières, 3 tisserands, une couturière, une repasseuse, 4 maçons, un commissionnaire, une marchande, un marchand de bois.
extrait du cadastre de St Didier
Saint-Gilbert provient du démantèlement des propriétés de l'ancienne abbaye. La plupart des domaines et locateries appartiennent au même propriétaire, Claude Grangier puis son fils Eugène, et forment une seule propriété: domaine de l'Hôpital, domaine des Chênes, domaine du Russon, domaine de la Cour et locateries de Saint-Gilbert et du Russon.
Dans les villages ne vivent pas exclusivement des cultivateurs. Ainsi
- à Plinière se trouvent une couturière, un tailleur d'habit, un maçon et un bûcheron.
- à Tintamar : un tailleur un maçon, un charron et sa femme sage-femme, un peigneur de chanvre, un maréchal et sa femme couturière
- rue Valliere : une couturière, un maçon, deux bûcherons, un peigneur de chanvre
- à Peignes : un tisserand, un facteur de bois
- aux Mescliers : un charron
- à Ambon : un charron, un cantonnier un charron
- à Saint-Gilbert : un meunier.
Saint-Didier a de plus 7 fermes isolées : Les Raynauds ( 9 personnes), le Plaix (11 personnes), le Corpon (5 personnes), les Gaillots ( 4 personnes), la Caudre ( 8 personnes), Simardot (13 personnes), les Bagages (7 personnes).
Taxat-Senat
Cette commune formée par l'association de Taxat et de Senat ne présente pas en 1846 malgré ses 730 habitants la structure de commune habituelle.
extrait du cadastre de Taxat Senat
En dehors d'un maire, propriétaire à Senat, d'un maire adjoint propriétaire aux Granges et d'un percepteur, Taxat-Senat n'a ni curé, ni école, ni auberge ou café ni les artisans utiles aux cultivateurs comme les charrons, maréchaux, etc....
La population de Taxat-Senat comporte:
- 21 familles de cultivateurs
- 28 familles de métayers, regroupant au moins 10 personnes
- 37 familles de locataires
- 16 propriétaires
- 2 journaliers
mais aucun fermier et aucun propriétaire cultivateur, et seulement :
- un tuilier, à Mons
- 3 filandières, à Senat et à Pechenin
- un vigneron à la Rochelle
- un meunier à Mons
Les châteaux de la commune ne sont pas habités en permanence, des domestiques et un garde veillent à leur entretien....
La proximité de la commune de Charroux, située à 2,5km, environ explique sans doute cet état de fait.
Boucé
En 1846 la commune de Boucé, située dans une région marécageuse insalubre à 8km du chef lieu de canton Varennes, présente une population de 740 habitants. Le bourg est réduit à peu de choses, avec la maire, un desservant, une marchande (la fille du maire) et un propriétaire. L'adjoint, un fermier, habite au hameau Barchère.
extrait du cadastre de Boucé
C'est le hameau le plus peuplé, les Zéros, qui dispose des facilités d'un bourg : avec un cabaretier, 2 tailleurs, 3 tisserands, un couvreur, 2 peigneurs de chanvre, un menuisier, et 2 meuniers.
L'ensemble de la commune comprend :
- 16 familles de cultivateurs
- 17 familles de locataires
- 5 familles de fermiers
- 23 familles de métayers
- 17 familles de journaliers
et 37 familles de propriétaires dont un châtelain, le marquis Ladislas Dechavagnac, célibataire et qui demeure avec garde particulier, cuisinière et gouvernante.
Les 2 frères Frantz et Paul de Vaux commencent en 1852 le drainage de leurs terres ce qui assainit la région et permet à la population de se développer.
Seul le bourg du chef lieu de canton offre tous les services, notaire, médecin etc....
Ainsi prenons l'exemple de Varennes sur Allier en 1846.
extrait du cadastre de Varennes
Varennes n'est pas un chef lieu de canton très peuplé, avec 2495 habitants en comparaison avec les 4930 à Saint-Pourçain et plus de 5000 à Gannat. Cependant la commune offre aux habitants beaucoup plus de services et de possibilités que les autres communes.
L'administration est bien représentée avec le maire et deux adjoints, le juge de paix, un greffier, un huissier, un percepteur, un directeur des contributions indirectes, un receveur de l'enregistrement, le maréchal de gendarmerie avec 4 gendarmes, un banquier, une directrice des Postes, 2 facteurs, un facteur rural, un géomètre.
Deux médecins, père et fils, et un pharmacien veillent sur la santé.
L'enseignement est donné par un instituteur et un sous-maître, et par une institutrice.
Les transports sont rendus possibles avec 11 voituriers, un maître de poste, 10 postillons et 3 fourgonniers.
Les rencontres sont facilitées grâce à 7 aubergistes, 1 limonadière, 2 cafetières, 3 cabaretières et un cabaretier.
Les artisans habituels proposent leur travail avec des spécialités plus rares, comme un tripier, un plâtrier, 2 chapeliers, 2 perruquiers, qui s'adressent d'avantage aux «gens de la ville», propriétaires, rentiers etc...qu'aux cultivateurs....
Mais les cultivateurs ne sont pas absents du bourg, puisque 47 familles de cultivateurs sont recensées, une de propriétaire cultivateur, un fermier, un vigneron.
22 femmes travaillent comme journalières, en général des veuves avec enfants, et 21 journaliers, mais rien ne dit qu'ils sont employés à des travaux agricoles....
château de Chazeuil
Le village de Chazeuil, au pied du château de Chazeuil, très peuplé avec 277 personnes, réunit des cultivateurs, 52 familles, un propriétaire cultivateur, et les métiers courants :
- un sabotier
- 3 tisserands
- un tailleur
- 2 menuisiers
- un serrurier
- un charpentier
- un maçon avec un apprenti
- deux maréchaux
- deux charrons
- un boulanger
- un boucher,
- un marchand
- et 2 voituriers
extrait du cadastre de Varennes
Dans les villages et hameaux avoisinants occupés en majorité par des cultivateurs, on trouve quelques artisans disséminés:
- 2 charretiers
- un tisserand
- un cordonnier au Fragne
- un cabaretier à Montloubet et aux Bruyères
- un marchand de blé aux Bremonts
- un tisserand au Finchet
- un tailleur à la Ronde
- des maçons à Moriots, le Château, aux Haies, des tuiliers à la Goutte Duret et aux Tuileries Bremont...
Pour le cultivateur l'éloignement du bourg est gênant quand il a à faire des démarches ou des achats, et qu'il a besoin d'un médecin d'un artisan, mais il est habitué à faire beaucoup de choses par lui-même.
S'il est métayer c'est le bailleur qui décide s'il doit se rendre au bourg ou ailleurs par exemple pour conduire une bête chez l'hongreur.
Le problème de la distance à l'école n'apparaît que lorsque les communes s'en dotent d'une.
Les naissances et les soins aux malades ou aux accidentés restent problématiques à l'écart des médecins, sages-femmes et pharmaciens.
Le cultivateur se trouve loin de la commune et des autres habitants, à l'écart des événements heureux ou malheureux de la communauté, et des nouvelles. Par contre il est préservé davantage des racontars, calomnies etc....
Il ne peut compter que sur l'aide immédiate de voisins, s'il en a...