La vie conjugale et la naissance des enfants
Vie conjugale - naissance des enfants - crises conjugales
Après le mariage le nouveau couple de cultivateurs n'est pas habituellement en situation de pouvoir vivre d'une manière autonome, sauf de se contenter de la situation de journaliers.
La solution se trouve en général dans la cohabitation avec les parents de l'un ou de l'autre, organisée en principe selon des modalités qui figurent dans le contrat de mariage. Dès la célébration du mariage les nouveaux époux rejoignent donc l'une ou l'autre famille et commencent leur vie d'adultes.
Les biens propres au nouveau couple
Les maisons des fermiers et surtout des métayers obligent à une certaine promiscuité. Les différents couples qui cohabitent ne disposent pour s'isoler que du lit pourvu de rideaux, provenant le plus souvent de la dot de la jeune épouse.
Le jeune couple possède habituellement, en dehors du lit et de l'armoire, leurs vêtements, du linge de lit, des bijoux rarement, et des objets personnels.
Le marié possède parfois quelques outils, mais en nombre insuffisant, ils dépendent donc du matériel de la société familiale.
Le couteau
Le couteau personnel est un objet important, qui sert à table mais également en dehors de la maison. Il ne fait donc pas partie des couverts.
Le fusil
Peu nombreux sont ceux qui possèdent un fusil parmi les cultivateurs.
- Jean Papon, cultivateur à Saint Gérand de Vaux possède 2 fusils dont un à 2 coups, en 1825 (à son décès)
- André Pilet possède un fusil à un coup à piston en 1853 Jean Sarrazin, vigneron un fusil double à pierres en 1851
- Georges Peulon un fusil à pierre à un seul coup
- André Morturier, laboureur métayer à Crechy en 1838 un fusil simple estimé à 6 francs....
- Cyr Mesple, tisserand à Rongères une carabine estimée à 8 francs en 1866
Les livres
Chez les cultivateurs seul Jean Sarrrazin laisse à son décès en 1851 4 livres :
arithmétique, géographie, nature, droit des affaires.
Auguste Vile, fils de Jacques Auguste, garde particulier à Marcenat en 1855 et qui lui même sait signer, garde la chèvre de son père en emportant un livre, à 11 ans. S'agit-il d'un livre scolaire, ou dispose-t-il de livres personnels?
Les conditions de vie et de travail des nouveaux couples de cultivateurs
Ce n'est que progressivement que le jeune couple peut acquérir des objets de ménage et de travail pour pouvoir s'installer d'une manière autonome comme cultivateurs métayers ou fermiers.....
Le nouveau couple travaille et cohabite, en attendant, avec les parents, selon des modalités variables, prévues dans le contrat de mariage. Les parents qui les reçoivent les intègrent dans la communauté, soit à titre de colon partiaire, soit comme travailleurs, soit comme associés dans une société de travail.
La cohabitation signifie de plus que le jeune couple est logé, nourri éclairé et souvent entretenu, en santé comme en maladie. Les enfants du couple naissent au sein de la grande famille.
Dans la maison c'est la mère qui dirige, dans les travaux agricoles c'est le père....
donation
Assez exceptionnellement l'un des époux reçoit de ses parents en donation une pièce de terre, dont il peut tirer un revenu. Ainsi en 1848 Georgette Sallé, autorisée par son mari Antoine Guyot,
fait donation (....) au futur époux de la moitié (....) d'une pièce de terre située sur le territoire de la commune du Mayet d'Ecole (...) de la superficie d'environ un hectare.
De plus Gilbert Guyot disposera d'un revenu annuel supplémentaire de 40 francs, puisqu'il demeurera avec son épouse Marie Payant chez ses beaux-parents, où ils recevront 20 francs de gages.
Cohabitation à titre de colon partiaire
C'est la solution la plus indépendante, mais rarement rencontrée...
Quand Antoine Gaume épouse en 1853 Gilberte Gournillat, Anne Lagoutte, veuve de Gilbert Gaume offre lors du contrat de mariage (Chabanon 05/06/1853) un bail de colonage au futur couple.
Elle s'engage à les recevoir et à leur fournir un logement selon leur condition, à charge pour les futurs de cultiver pendant la durée de cette cohabitation à titre de colon partiaire à moitié fruits ses parcelles de terres.
Ils pourront exploiter en même temps pour le compte d'autrui, à titre de colon ou de fermier d'autres parcelles et n'auront pas à confondre avec la portion de leur mère celle qui leur proviendrait des terres d'autrui.
Philibert Tardivon cultive en 1838 comme colon avec un bail verbal la propriété de son beau-père Martin Guillien, et cohabite avec son beau-père, mais il éprouve le besoin le 30/09/1838 devant Maître Chacot d'établir la liste des objets qu'il possède dans la maison.
usufruit de pièce de terre
Si les parents possèdent une pièce de terre, ils peuvent décider de la leur céder en usufruit, ce qui lui permet d'avoir des revenus personnels, en plus d'être logés, nourris, chauffés, éclairés, blanchis et entretenus.
C'est le cas pour Claude Blanc et Quentienne Morlat qui se marient en 1850 et qui feront leur demeure à Biozat chez les parents de Claude, propriétaires et fermiers: ils reçoivent en usufruit une pièce de terre de 19 ares à Effiat.
Pour Gilbert Migeon et Marie Dubreuil l'idée est la même: en 1850 ils font leur demeure chez les parents de Marie à Saulzet et reçoivent l'usufruit de 22,60 ares, mais n'auront droit qu'à la moitié des revenus de la terre en usufruit, ainsi que de la moitié des revenus des biens, situés également à Saulzet, de Gilbert- dont les parents sont décédés.
Relation maître/domestique
D'autres parents ne laissent aucune autonomie à leurs enfants. Ils les reçoivent et en compensation les font travailler, ce qui ressemble à l'embauche de domestiques. Comme ceux-ci certains reçoivent des gages.
- 20 francs par an pour Jean Gournillat et Anne Regauden en 1838 chez les parents d 'Anne, à partir du 11 novembre 1839 c'est à dire au bout d'un an.
- 10 francs pour Jean Gournillat et Antoinette Boeuf en 1841 chez la mère de Jean
- 20 francs pour Gilbert Guyot et Maire Payant en 1848 chez les parents de Marie à Brout Vernet.
- En 1825 Pierre Ronchaud et Benoite Gournillat feront leur demeure au Mayet d'Ecole, chez les parents de Benoite, propriétaires. Ils ne pourront prétendre à aucun droit de communauté et seront gagés ainsi que Marie, la soeur de Benoite, à la somme de 30 francs pour eux trois, donc 10 francs chacun.
- Louis Paltra, veuf, métayer avec son père également veuf, se remarie avec Magdeleine Coutin en 1825. Le mariage fait, la future ira faire sa demeure dans le domaine que cultivent Louis et son père au Vernet, associés depuis le contrat du premier mariage de Louis. La dite future n'aura aucun droit à cette association et sera gagée à la somme de 10 francs.
- Pierre Mesple et Marie Charboniaut, en 1825 demeureront auprès des parents de Pierre à Saint Pont, sans prétendre à aucun droit à leur communauté où ils confondront leurs travaux. Ils seront nourris et entretenus et gagés pour eux deux à 20 francs par an.
D'autres ne reçoivent pas de gages mais sont entretenus, et parfois peuvent profiter de revenus personnels.
- François Maume et Sophie Gournillat demeureront chez Jean Gournillat et Antoinette Boeuf (CM 04/01/1972 Felidas)Les futurs seront logés chauffés éclairés nourris entretenus en santé comme en maladie ainsi que les enfants à naître, à charge d'y apporter leurs travaux et industrie.
- Chez Jean Rigaudien et chez Gilberte Aymard, en plus, ils profiteront du revenu de leurs biens :2 francs et 3 francs par an pour Jean Gournillat et Anne Rigaudien, mais non précisé pour Jean Gournillat et Antoinette Boeuf.
Association dans une société de travail
Les sociétés de travail sont traditionnelles; au 19ème siècle elles ne sont plus de très longue durée parce qu'elles s'adaptent et se modifient en fonction de l'évolution de la famille et de l'âge des enfants.
Il s'agit d'une association familiale de cohabitation, et de travail et d'industrie pour l'exploitation des biens qu'ils feront valoir ensemble, comme colons, fermiers ou propriétaires.
L'importance de la société diffère d'une famille à l'autre, suivant le nombre de personnes incluses et les règles définies.
- les biens de la société
Les biens mis en commun varient suivant les cas.
Le couple des parents a alors déjà en sa possession le matériel de travail, et de cuisine. Les biens mis en commun dans la société varient suivant les familles. Dans tous les cas le trousseau, linges et meubles personnels appelés « ménage » sont exceptés de la communauté.
La communauté générale mobilière en 1825 de François Jonard et Marguerite Ray avec leur fille et leur gendre et 3 autres enfants, ne sera que de culture.
Quand le jeune couple possède des terres, la société peut porter sur tous les biens des associés, qui sont exploités en commun.
Ainsi quand Jean Lafont épouse Jeanne Aimard en 1825 au Mayet d'Ecole, il reçoit de ses parents une maison de 2 chambres avec cheminée, couverte de tuiles creuses et un jardin, de 5 francs de revenu en principal de 100 francs.
Jeanne, elle, reçoit 5 ares de vigne, 50 centiares de terre, en plus de la fourniture mobilière traditionnelle composée d'un lit complet d'une armoire de linge et de harde.
Alors dans la communauté à 4 personnes entre les parents Lafont et le jeune couple l'association portera sur
tous les conquets en objets mobiliers et immobiliers, récoltes et denrées, provenant de tous les revenus des associés, soit des objets, ainsi que tous leurs travaux journaliers industrieux qui y seront confondus
Il est cependant précisé que le mobilier personnel des parents, tous les objets mobiliers, bestiaux, chars et harnais en leur possession avant le mariage projeté, ainsi que le mobilier constitué à la future ne feront pas partie de la société. En cas de dissolution le futur jouira des bâtiments qui lui ont été constitués ainsi que de la terre et la vigne de la future.
- le chef
Le chef des la société est habituellement le père, ou éventuellement la mère veuve, comme Gilberte Gournillat veuve Bardot (CM Bertrand 16/10/1898), ou Anne Bourdier (CM Felidas 22/04/1877).
La plupart du temps il n'est pas nécessaire que le chef soit spécifié. Cependant souvent le contrat indique le nom du père ou le couple des parents, avec parfois une précision: les parents Court seront les "administrateurs " de la société (CM Felidas 01/02/1891) Jean Pothier (CM Chacot 05/05/1833) « aura la simple administration des affaires sociales » et la société « ne pourra être engagée que par le concours de tous ».
Certains parents tiennent au contraire à affirmer leur autorité d'emblée. Ainsi Pierre Bardot sera le chef de la société, et les sociétaires
« devront lui obéir en tout ce qu'il commandera de juste et de raisonnable » (CM Cherieux 16/01/1872)
Claude Gouyard, son beau-frère avait utilisé une formulation identique chez le même notaire le 17/11/1861.
- les obligations des associés
Evidemment les sociétaires devront consacrer tout leur travail à la société. Le problème se pose à la naissance des enfants, qui réclament des soins. Par contre la grossesse n'est jamais évoquée, on s'attend sans doute à ce que la femme enceinte assume le même travail qu'une femme hors de grossesse....
- les membres de l'association
Le nouveau membre de la société, pour pouvoir entrer, doit souvent payer une somme, qui varie entre 30 francs et 600 francs. Le versement se fait le jour de la signature du contrat, ou le jour du mariage, ou éventuellement plus tard.
Ainsi
- le père de Gilbert Saulnier versera 275 francs le 24/06/1849 sans intérêts pour son fils qui épouse Françoise Neury (CM Morand 02/04/1849)
- Jean Gournillat lors de son mariage avec Françoise Bardot doit verser 400 francs (CM Cherieux 16/01/1872). il a déjà versé 200 francs, pour le reste il a 2 ans, sans intérêt.
- Henri Jugnet pour son mariage avec Gilberte Favier a à verser 300 francs, d'ici à 3 ans (CM Felidas 31/01/1875)
- Gilberte Gournillat verse 100 francs (CM Cherieux 12/10/1873), comme Elisabeth James (CM Cherieux 17/11/1861) ou Madeleine Tate (CM Felidas 01/02/1891)
La répartition peut paraître arbitraire mais elle est liée aux biens mis dans la société et aux enfants élevés dans la famille....
- les parts de la société
Quelquefois les parts correspondent à une par personne, comme lors de la création de la société entre Marie Roux la mère veuve et les couples de ses deux fils Gilbert Mousset et Marguerite Coulon et Vincent Mousset et Marie Laplanche (CM Lepine 11/03/1883), chaque membre a 1/5.
Mais souvent les parents ont plus : 2/3 et 1/3 et même 3/ 4 et 1/4 si les parents ont à leur charge une nombreuse famille. On trouve aussi des calculs plus originaux :
- dans la famille Pothier les parents avec leurs enfants travaillant pour la société : 3/6, le couple du fils aîné 2/6 et le futur couple 1/6 (CM Morand 07/07/1830).
- ou chez les Deverne : 2/8 pour le grand père Jean Deverne, 3/8 pour les parents Pothier et 3/8 pour les futurs (CM Chacot 05/05/1833)
- Au mariage de son fils Pierre (CM Cherieux 15/11/1868) Pierre Neury veuf avec 3 enfants crée une société avec 2 parts : une pour lui et ses 3 enfants Alexis, André et autre André, et une pour les futurs, Pierre et Marie Bonnefoy. Cependant, toujours dans le but de ne pas défavoriser un enfant par rapport aux autres, la société sera tenue de payer à Jean Neury, domestique à la Chaume (Paray sous Briailles) 100 francs dans 2 ans, sans intérêts jusqu'à cette époque.
- La situation dans la famille Deverne est également particulière : André Deverne marié à Marie Dechatre, a recueilli son frère cadet Antoine, considéré lors du conseil de révision comme « idiot ». Dans la société de travail créée lors du mariage du fils Antoine avec Marie Aumaitre, chacun des membres a 1/5, Antoine étant considéré comme associé et non pas comme domestique de ferme. (CM Marconnot 01/11/1862). Cela avait déjà été le cas lors du mariage de la fille, Jeanne avec Claude Tury (CM Marconnot 24/03/1861), mais la société avait été rapidement résiliée (peut être à cause de cette clause?????)
L'attribution des parts est importante lors de la dissolution et lors du partage des bénéfices.
- la répartition des bénéfices
Les bénéfices ne sont pas nécessairement distribués, car surtout dans la première moitié du 19èe siècle les associés sont logés, nourris, entretenus, chauffés éclairés et soignés en santé comme en maladie, ce qui signifie qu'ils n'ont pas besoin de faire de dépenses personnelles.
Les bénéfices de la société sont utilisés pour l'entretien de tous.
Mais par la suite les bénéfices annuels peuvent être partagés entre les sociétaires, soit au fur et à mesure, comme chez les parents Leguillon (CM Joly 05/09/1901) ou Marie Roux et ses 2 fils (CM Lepine 11/03/1883), soit chaque année, comme chez les parents Coulon (CM Jouanique 07/06/1868)
Dans ce cas ce qui revient à chacun dépend du nombre de parts qu'il possède dans la société.
- la place de la fratrie
Il reste souvent des enfants pas encore mariés dans la famille, et si ce sont des filles, il faudra les doter... Si les filles travaillent pour la société c'est la société qui fournira le trousseau au moment du mariage. Parfois la valeur du trousseau à fournir est même précisé d'avance : ainsi lors du mariage de Gilbert Pothier (CM Morand 07/07/1830) le trousseau pour ses sœurs sera de 120 francs.
Quand la société est prévue pour durer longtemps et que plusieurs sœurs restent à marier, il peut être tenu compte de la durée de la cohabitation pour fixer la participation au trousseau : Dans la famille Sarrazin quand Catherine la fille aînée se marie (CM Morand 16/02/1852), il est stipulé que les futurs fourniront 1/4 du trousseau de Marie et 1/2 pour Gilberte, la sœur plus jeune et qui donc se mariera plus tard. En effet Marie se marie en 1860 et Gilberte en 1864...
L'installation des fils peut également être prise en charge par la société : au mariage d'Antoine Thevenet une société est créée entre les parents Thevenet, Antoine et sa future, et Jean Thevenet encore célibataire. Jean est tenu de payer une domestique jusqu'à son mariage, pour que la société soit partagée en 3 portions. Mais ses frais de noces seront payés sur les produits de la société (CM Thyraud 27/09/1873)
André Bouvard et Martine Laurent, métayers à Saint Gerand de Vaux en 1825, ont 3 fils, Mathieu, Claude Etienne et plusieurs filles, Anne qui épouse François Gayet et les autres filles citées pas nommées.
Le nouveau couple intègre la société composée des parents et des 3 fils. Chaque couple dispose d'une part, et bien sûr ce sont les parents les chefs. Quant aux filles encore à marier elles seront dotées aux dépens de la société, comme l'est Françoise.
Jean Gournillat et Françoise Faucheux métayers à Escurolles/les Sardons en 1849 ont 3 fils et une fille:
- Jean, le fils aîné est marié à Marie Bonnamour, avec un enfant
- Anne épouse en 1849 Jean Bernard
- Martin âgé de 22 ans
- Antoine âgé de 14 ans
Le mariage d'Anne est l'occasion de la création d'une société universelle de gain, dont les parents sont les chefs, et établie en 8 parts:
- 2 pour les parents
- 2 pour Jean et Marie Bonnamour
- 2 pour Anne et Jean Bernard
- 1 pour Martin
- 1 pour Antoine
Donc dans cette famille les couples ont 2 parts, le travail de la femme est donc pris en compte, ce qui n'est pas toujours le cas.
D'autre part, ce qui apparaît comme encore plus exceptionnel, les 2 fils célibataires font partie de la société, y compris le plus jeune pourtant seulement âgé de 14 ans. Mais il n'est pas précisé en quoi consiste la société, si les sociétaires auront droit à un partage des bénéfices ou s'ils seront seulement entretenus.
Comme Martin a l'âge de penser au mariage, il est décidé qu'a ce moment là la société sera dissoute et il sera doté d'une somme de 100 francs. En fait en 1856 il sera encore célibataire. Quant à Antoine il est absent- sans doute au service militaire?.....
- les situations particulières
Jean Baptiste Mousset et sa femme Antoinette Peraud ont gardé auprès d'eux le père de celle-ci. Suite à un accord entre eux Pierre Peraud est logé nourri entretenu et reçoit 50 francs par an. Or lors du mariage de la fille aînée (CM Thyraud 09/05/1875) il est précisé que l'entretien de Pierre Peraud sera prélevé sur les produits de la société et les 50 francs remis chaque année fournis proportionnellement aux portions. Les parents Mousset se sont accordés 2/3 et les futurs n'ont qu'un 1/3. Mais en même temps les époux Mousset paieront à leurs frais seuls un domestique dans la force de l'âge...
La création d'une société de culture peut intervenir un certain temps après le mariage, sans doute pour des motifs de pratique et en fonction du bail...
Quand Guillaume Coursolle, cultivateur à Neuilly le Real, et Anne Liotard se marient à Neuilly le Real en novembre 1852 ils n'ont pas fait de contrat de mariage. Lui est veuf depuis 1848, son père est décédé en mars 1852, sa mère est domiciliée au domaine des Chatards.
Anne, majeure, est orpheline: son père Claude est décédé en 1837, sa mère en 1848, elle s'était remariée avec François Liotard, son beau-frère, qui est donc l'oncle et le beau-père d'Anne Liotard.
Mais le 24 /01/1856, soit plus de 3 ans après leur mariage ils créent une société de travail avec François Liotard, l'oncle-beau-père d'Anne, à partir du 11/11/1855, comme métayers pour l'exploitation du domaine des Picards qu'ils ont pris à bail le 24/06/1855 auprès de maître Saulnier (Moulins).
Dans la société François est le chef et a 3 quarts, alors que le couple n'a qu'un quart.
Ils sont donc recensés en 1856 demeurant ensemble: François Leotard avec ses 2 enfants âgés de 10 et 16 ans, Guillaume et Anne et 3 domestiques de 20, 10, 11 ans.
- La dissolution de la société
Les parents se réservent plus ou moins de biens :
- Les parents Leguillon, par exemple, se réservent tous le meubles et le mobilier et ustensiles de cuisine (CM Joly 05/09/1901).
- Les parents Barnabé se réservent les tonneaux et cuves qui leur appartiennent (CM Morand 23/10/1859)
- Les harnais, instruments aratoires, chars et charrettes, ustensiles, vaisseaux vinaires font partie de la société quand l'entrant a payé son entrée. Ainsi les parents Mousset ne se réservent que la batterie de cuisine (CM Thyraud 09/05/1875)
- Madame veuve Bardot exclut formellement de la société tous les objets et ustensiles de cuisine consistant en poterie vaisselle et verrerie (CM Bertrand 16/10/1898)
- Cependant les parents Boutonnet incluent dans la société toutes les récoltes engrangées et semées, les harnais, voitures, instruments aratoires, vases, cheptel, ustensiles de ménage, vaisselle, mobilier de cuisines, alors que Antoinette Gausse n'a rien versé. (CM Barthelat 27/05 et 02/06/1894 )
- Chez les Sarrassat (CM Auclair 21/02/1897) les parents exceptent de la société les outillages, ustensiles aratoires et bestiaux qu'ils possèdent au moment du mariage. Ces outils seront entretenus par la société, les nouveaux seront payés par la société et leur appartiendront....
- Le contrat de mariage de Marie Romphet avec Louis Ganière (CM Boirot 11/06/1868) établit une société de travail et d'industrie auprès des parents Romphet, composée de 4 portions égales. Les futurs n'auront aucun droit sur les récoltes actuellement pendantes. Lors de la dissolution tous les meubles et les objets mobiliers qui se trouveront dans la dite société seront retirés par ceux des associés qui les auront apportés. Chaque associé conservera les revenus de ses biens.
Le père se réserve le droit de prélever avant tout partage une somme de 120 francs (....), mais seulement dans le cas où cette société viendrait à se dissoudre par la volonté ou le fait d'un de ses enfants.
Il prévoit donc cette mesure uniquement dans le cas d'un conflit familial....
Pour que le couple des enfants ait droit à une partie de la société il faut que la société ait duré un minimum de temps, sinon le couple n'a droit à rien.
François Gayet et Anne Bouvard, en 1825 doivent rester au moins 2 ans dans la société sinon ils n'auront rien à réclamer.
En 1886 Jean Guillot et Françoise Saulnier doivent rester en association au moins 5 ans avec le tuteur et la tante de Françoise, sinon les futures ne retireraient que le 1/4 de la société.
A la séparation chaque sociétaire emporte ce qui lui revient, suivant la part qu'il possède dans la société....
Ainsi dans la société de travail créée par François Jonard et Marguerite Ray en 1828 à Saint Gerand de Vaux lors du mariage de leur fille Françoise avec Jean Favier, ils intègrent les futurs, leurs autres filles, Gilberte et Antoinette et leur fils François, soit 4 parts.
En cas de partage les parents auront la moitié et les 4 enfants auront chacun le 1/4 de l'autre moitié, à condition évidemment de travailler pour la société.
La mère veuve de Pierre, Marguerite Nodière est propriétaire à Mazerier, les parents de Benoite, Joseph et Jeanne Dejoux, propriétaires au Mayet d'Ecole.
Pierre apporte les droits échus par le décès de son père et 200 francs provenant de ses gains et épargnes.
Benoite apporte une fourniture mobilière composée d'un lit garni, d' une armoire , de linge de maison et hardes de corps estimée à 120 francs.
Ils feront demeure chez les parents de Benoite, en étant gagés ainsi que la soeur de Benoite, soit 10 francs annuellement chacun, mais seulement tant qu'ils n'auront pas 2 enfants vivants.
De plus si le futur durant cette cohabitation faisait quelques acquets d'immeuble et que les objets fussent cultivés avec son beau-père ce dernier retirerait pour son droit de colonage la moitié des récoltes, l'autre moitié appartiendrait et serait retiré par le futur.
- création d'une société plus tardive
La création d'une soiciété de cultue peut intervenir un certain temps après le mariage, sans doute pour des motifs de pratique et en fonction d'un bail...
Quand Guillaume Coursolle, cultivateur à Neuilly le Real, et Anne Liotard se marient à Neuilly le Real en 1852 ils n'ont pas faite de contrat de mariage. Lui est veuf depuis 1848, son père est décédé en en 1852, sa mère est domiciliée au domaine des Chatards.Elle, majeure, est orpheline: son père Claude est décédé en 1837, sa mère en 1848, elle s'était remariée avec François Liotard, son beau-frère, qui est donc l'oncle et le beau-père d'Anne.
Mais en 1856, soit plus de 3 ans après leur mariage, ils créent une société de travail avec François Liotard, à partir du 11/11/1855, comme métayers, pour l'exploitation du domaine des Picards qu'ils ont pris à bail le 24/06/1855, auprès de Maître Saulnier (Moulins).
Dans la société François est le chef et a 3/4 alors que le couple n'a que 1/4.
Ils demeurent ensemble et sont donc recensés en 1856 , François avec ses 2 enfants âgés de 10 et 16 ans, Guillaume et Anne, et 3 domestiques....
La place des enfants à naitre dans la communauté familiale
Il est prévu évidemment que le jeune couple aura des enfants; cette perspective n'est pas évaluée de la même façon dans toutes les familles. ...
Les jeunes couples qui reçoivent des gages sont considérés par leurs parents comme fournissant un travail moindre, d'où souvent la suppression ou la diminution des gages en cas d'enfants:
- Pour Pierre Ronchaud et Benoite Gournillat les gages cesseront au 2eme enfant vivant..
- Magdeleine Coutin qui épouse Louis Paltra, veuf, métayer avec son père ne sera gagée que de 8 francs ( au lieu de 10 francs) lorsqu'elle aura des enfants....
- Pour Pierre Mesple et Marie Charboniaut,le gage cessera l'année de la naissance des enfants et mais continuera au cas où les enfants nés viendraient à décéder.
Les 3 exemples datent de 1825, il semble que les enfants soient mieux acceptés par la suite...
- Dans la grande communauté de André Bouvard et Martine Laurent, avec 5 couples, en 1825, les enfants nés ou à naître des communs seront nourris et entretenus.
- Chez les Beylot (CM Felidas 10/08/1884)
« chaque associé sera logé nourri entretenu en santé comme en maladie, ainsi que les enfants ».
Mais parfois les associés et leurs enfants seront logés et nourris, mais pas toujours « entretenus » aux frais de la société.
- Ainsi chez Pierre Bardot (CM Cherieux 16/01/1872 et 12/10/1873), les associés et leurs enfants seront soignés en santé et en maladie mais
« chacun s'entretiendra et entretiendra ses enfants comme bon lui semblera »
- chez les Boutonnet (CM Barthelat 27/05 et 02/06/1894) l'entretien des enfants comme les frais de maladie seront supportés par chaque sociétaire.
- En 1886 Jean Guillot et Françoise Saulnier,seront en association avec le tuteur et la tante de Françoise par moitié. Les enfants seront logés et nourris.
Le lieu
Les enfants naissent au domicile de leurs parents et donc la plupart des cas chez les grands parents d'un coté ou de l'autre.
Quand elle est éloignée de sa famille, pour de raisons professionnelles essentiellement, la future accouchée se rend dans un établissement, comme Marguerite Favier domestique à Clermont qui accouche à l'Hôtel Dieu 13 boulevard de la Pyramide le 08/04/1900. C'est Jeanne Duranthon sage-femme de 44 ans qui déclare la naissance de Claude Favier. Elle est accompagnée par deux employés de l'Hôtel Dieu...
L'accouchement
Les sages-femmes
L'intervention d'une sage-femme est assez rare dans les campagnes, plus fréquente dans les villes.
Le préfet de l'Allier rappelle par un courrier aux maires la loi de ventôse an 11 concernant l'exercice de la profession de sage-femme: pour exercer elle doit se faire reconnaître et enregistrer "ses lettres de réception et certificats ou diplômes", à la préfecture ou au tribunal civil de son arrondissement.
Faute de l'avoir fait elle
devra être poursuivie et condamnée à une amende envers les hospices de 100 francs et du double en cas de récidive , sans préjudice de la condamnation à un emprisonnement de 6 mois à encourir.
Dans un autre courrier il prévient les maires de son département qu'il a institué
un jury spécial à Moulins pour toutes les femmes qui pratiquent sans avoir été reçues sages femmes l'art des accouchements,
et il demande aux maires de rendre public cet arrété.
Pourquoi cette suspicion envers les sages-femmes? par crainte qu'elles effectuent des avortements?????
Certaines sages-femmes ont été scolarisées et sont donc capables de déclarer la naissance à la mairie et de signer l'acte, mais pas toutes.
Anne Cerclier âgée de 66 ans en 1846, "femme sage" à Jenzat, déclare le 30/10/1846 la naissance de Jeanne Guyon fille de Gilbert, décédé en avril 1846, accompagnée de Antoine Guyon et Gilbert Guyon cousins de l'enfant, qui signent , mais Anne Cerclier déclare ne pas savoir..
Certaines femmes considérées comme pleines d'expérience peuvent aider lors des accouchements. Ainsi Catherine Bonnamy âgée de 60 ans, veuve et journalière, "délivre" des voisines "sans être sage-femme", à Boucé comme le 18/01/1834 et le 18/03/1834....
décès au moment de la naissance
La naissance ne se déroule pas toujours bien. Le taux de mortalité est élevé.
Ainsi Jeanne Rougier fille d'Antoine métayer à Loriot (Saint-Didier en Rollat) meurt le 17/05/1866 à 4 jours.
La vie de la mère est également mise à rude épreuve, et des mères meurent au moment de l'accouchement ou quelques jours après, et ce dans tous les milieux.....
- Ainsi Françoise Peronnet veuve de Quentien Bardot cultivateur métayer en association avec son frère, accouche d'un enfant posthume, Antoine, le 15/01/1844 à Saint-Didier les Baux mais décède 5 jours après la naissance. L'enfant, resté auprès de son oncle, ne survit que 8 mois.
- De même Louise Terret, épouse de Jean Sarrazin vigneron à Billy Dayalau, accouche le 05/02/1848 d'une fille Anne, mais meurt une heure après la naissance. C'était son premier enfant...Anne survit mais son père meurt 2 ans après sa femme....
La déclaration de naissance
A partir de la loi de 1792 qui crée l'état civil la naissance est déclarée à la maison communale (la mairie), par une personne, -en général le père, le grand-père ou parfois la sage-femme-, accompagnée par 2 témoins majeurs, de la famille ou du voisinage.
L'officier d'état civil inscrit les renseignements sur le registre fourni dans toutes les communes muni d'une notice explicative.
La loi du 20 ventôse an 11 donne de nouvelles précisions avec un modèle de texte. L'article 37 apporte une modification importante:
Les témoins produits aux actes de l'état civil ne pourront être que du sexe masculin, âgés de vingt-un ans au moins, parents ou autres.. et ils seront choisis par les personnes intéressées.
On remarque en effet à partir de l'an 12 (correspondant à 1803) une absence totale des femmes comme déclarantes ou témoins.
Cependant une sage femme peut déclarer la naissance :
- Le 30/10/1810 Magdeleine Mourlon sage-femme âgée de 45 ans déclare à Vendat la naissance au Boucheraud de Pierre Bardot.
- Le 15/01/1844 Louise Robin, sage-femme de 33 ans déclare à Saint-Didier en Rollat la naissance de Antoine Bardot aux Baux.
- La naissance de Marguerite Neury en 1863, est déclarée par la sage-femme accompagnée du grand-père et de l'oncle de l'enfant. Le père est décédé avant la naissance....
Avant 1803 les témoins étaient en général un homme et une femme, la plupart du temps de la famille. Par exemple au Mayet le 15 frimaire an 9 Jean Gournillat, cultivateur, déclare la naissance de son fils Marien, le premier témoin est Marien Gournillat cultivateur de 60 ans et le second Françoise Defougères 50 ans.
Les témoins peuvent être beaucoup plus jeunes: pour la naissance de Catherine Gournillat au Mayet le 29 pluviose an 12 le premier témoin est Jean Gournillat âgé de 22 ans, et le second Catherine Bourgeon âgée de 21 ans...
Après 1803 c'est le père qui déclare la naissance accompagné d'un grand-père, ou d'un oncle, de l'arrière grand père, selon la constitution du groupe familial.
Parfois le déclarant fait appel à des voisins, ou même à des habitants du bourg.
C'est ainsi que curieusement le 14/01/1849 Marien Gournillat fait la déclaration avec François Gournillat 47 ans, tisserand (qui est un cousin) et Annet Chacot 40 ans, domestique meunier, non seulement de la naissance de sa fille Gilberte, née la veille mais aussi de la fille de chacun d'eux : Jeanne Gournillat et Louise Chacot, nées le 12. Les trois voisins ont donc attendu les trois naissances pour aller à la mairie une seule fois!
Marien Gournillat a signé les trois actes, et il est le seul....
Le maire ou un représentant rédige l'acte sur le registre, parfois maladroitement et d'une manière incomplète, malgré les rappels comme en 1823 avec le modèle:
Et pourtant des erreurs ou des négligences sont commises lors de la rédaction de l'acte:
- Ainsi le 16 décembre 1822 à Billy est déclarée la naissance par Louis Guiot de Gilbert Guiot, fils de Louis et de Annette Berger. Or le 20 août 1852, en vertu du jugement du Tribunal du 29 juillet 1852 le nom de Nebout a été substitué à celui de Guiot car « le jeune homme est réellement le fils de Louis Nebout et d'Annette Berger ». L'employé d'état civil a dû confondre le nom du déclarant avec celui du père de l'enfant...
- Les deux frères Bletry s'adressent en 1899 au maire de Billy, où est né leur père, pour demander l'acte de naissance de celui-ci « vers 1835 » :Nous sommes deux frères dont moi j'écris mon nom Bletry et mon frère écrit Blettery, et nous avons en ce moment des difficultés à cause de cette différence d'orthographe dans non noms etc …
Dans certains cas, même, l'acte de naissance ne se trouve pas dans le registre de la commune de naissance, pour des raisons variées.
Un exemple d'omission rapidement réparée a lieu à Billy en mars 1828. Pierre Grand vigneron veut déclarer la naissance de sa fille Magdeleine née le 17 mars. Il arrive chez le maire, Antoine Bilhaud après le décès de celui-ci, qui a eu lieu le 17 mars à 11 heures du matin. N'ayant vu que la fille, Antoine Bilhaud étant veuf, Pierre Grand lui remet une note pour faire l'acte (Pierre Grand sait écrire) La fille du maire oublie d'en faire part à l'adjoint, Etienne Louher, jusqu'au 28 mai. Le nouveau maire n'a pas encore encore prêté serment, alors c'est l'adjoint, qui écrit l'acte, qui ne se trouve donc pas à sa place dans le registre: il se trouve au numéro 18 alors qu'il devrait être au numéro 11...
Quand l'oubli est constaté beaucoup plus tard, en particulier au moment du mariage de l'enfant, c'est le juge de paix qui est chargé d'établir un acte de notoriété, pour suppléer à l'acte de naissance introuvable, en réunissant 7 témoins selon l'acte 71 du code civil.
Pour l'acte de notoriété de Madeleine Maumion, dont le père Jean Maumion, est décédé, la mère, Gabriele Laurembou réunit le 21/01/1832 auprès du juge de paix de Saint-Pourçain, Jean Baptiste Hastier Harpeux 8 personnes de sa famille ou de sa connaissance pour témoigner que Madeleine est bien sa fille légitime :
- Madeleine Laurembou femme de Gilbert Maumion 45 ans, se rappelle parfaitement la naissance le 13/09/1812 de la dite Madeleine, dont elle est la marraine. Elle est la soeur de Gabriele.
- Gilbert Maumion 51 ans, propriétaire à Saulcet: lui est le frère du père décédé, c'est sa femme qui a été la marraine au baptême que conféra le curé de Besson. Il se souvient que le parrain a été Louis Rioussat, actuellement décédé.
- Gilbert Laurembou, propriétaire à Cesset 24 ans : Madeleine est sa nièce à la mode de Bretagne, et de ce fait il l'a toujours considéré comme la fille légitime de défunt Jean Maumion et Gabriele Laurembou vu qu'il a vu constamment cette fille habiter la maison paternelle et porter le nom et toute la Société la considère comme la fille légitime
- Marc Antoine Chalié, propriétaire à Cesset 45 ans, ne peut préciser l'époque de la naissance de Madeleine mais il est à sa connaissance intime qu'elle est issue du légitime mariage, qu'il l'a vue habiter constamment la maison paternelle, en porter le nom.
- Marien Brehurut propriétaire cultivateur à Cesset 45 ans a la même conviction que la personne précédente et il ajoute que c'est de ses parents seuls qu'elle a reçu les soins paternels et maternels.
- Jacques Chevrier propriétaire à Cesset 50 ans idem
- Pierre Fugier propriétaire à Cesset 56 ans idem
- Jean Maumion propriétaire à Cesset 21 ans révolus, est le frère de Madeleine : il l'a toujours considérée comme sa soeur.
Les témoignages sont irréfutables.
L'omission peut concerner également la naissance d'un enfant naturel.
Léger Létang enfant né de parents inconnus doit lui aussi en 1848 obtenir du juge de paix de Gannat un acte de notoriété faute de trouver l'acte de naissance. les témoins appelés, tous cultivateurs ou femmes de cultivateurs de Biozat attestent
il est à leur parfaite connaissance que le nommé Léger Létang est né le 29 décembre 1825 de père et mère inconnus, qu'il fut porté à Biozat le 31 du dit mois de décembre et confié aux soins de Jeanne Boron, femme de Pierre Mechin, l'un des comparants chez lequel il a continuellement demeuré et où il demeure encore et que si son acte de naissance ne se trouve pas inscrit sur les registres de l'état civil de la commune de Biozat ou autres communes ils en ignorent absolument la cause.
Leur déclaration apparait comme sincère mais
- comment connaissent-ils la date de naissance de Leger Létang? (ils ne signent pas l'acte et ne savent sans doute pas lire...)
- il a été "porté à Biozat", il n'y est donc pas né. Il n'a donc pas pu être inscrit sur les registres de la commune.
- La famille d'accueil ne connait pas vraisemblablement le processus à la naissance d'un enfant trouvé, mais le juge de paix, lui, connait la loi...
Comme les autres enfants trouvés il a dû être trouvé dans un lieu (peut être un étang), a été porté au maire de la commune qui a averti le préfet après avoir donné un nom à l'enfant et l'avoir inscrit sur le registre. Il a été pris en charge par l'hospice et confié à une famille d'accueil. S'il s'appelle Léger, cela peut signifier qu'il était menu et fragile....
Il est vrai qu'en 1848 ce qui compte alors c'est qu'il puisse avoir une existence "officielle" et en particulier se marier....
Le choix du prénom
Le choix du prénom est curieux, car il ne sert pas à « individualiser » le nouvel enfant. Le fils porte souvent le même prénom que son père, son grand père, son oncle (qui souvent portent eux mêmes le même prénom) et même que ses frères. Ainsi « Pierre » est fréquent chez les Bardot, Jean et Martial chez les Sarrazin, Jean et Marien chez les Gournillat.
Pour les filles c'est encore pire car les Marie sont particulièrement nombreuses, parfois la mère et 4 filles. La famille Mousset a une prédilection pour « Antoinette ».....
En conséquence, dans la vie quotidienne, pour éviter les confusions les enfants reçoivent un prénom d'emprunt, et par la suite même dans les actes officiels ils sont nommés souvent par leur prénom acquis, ce qui de nouveau crée une confusion.
La tradition joue aussi un grand rôle, d'où la fréquence de Gilbert ou Gilberte, en hommage à Saint Gilbert, fondateur de l'abbaye à Saint Didier en Rollat..
Les vêtements de naissance
Il n'en est pas question dans les inventaires ;
Cependant il est possible de se faire une idée du trousseau de naissance des enfants grâce à l'inventaire du trousseau lors des naissances chez une sage-femme d'enfants naturels qui vont être abandonnés par leur mère "inconnue".
Les éléments du trousseau ne différent pas, la description qui en est faite montre seulement des variations quant aux couleurs, aux tissus, et à l'état (neuf ou usagé).
Les exemples étudiés proviennent des naissances à Saint-Pourçain en 1831.
- le béguin ou bonnet
au nombre de 2 à 4 souvent en indienne rouge avec fleurs jaunes ou sablé de rose et blanc, lilas fleurs jaune et rouge, blanc à fleurs rouges, à carreaux jaunes ou rouges, bleu à fleurs blanches, vert avec fleurs rouges
Parfois le béguin est garni de dentelle, de moussseline, de tulle ou de gase.
- le bonnet de dessous
il ne figure pas dans chaque trousseau
il est blanc ou rouge
- la chemise
au nombre de 2 à 6, en toile, en grosse mousseline, en calicot, parfois garnie en gaze ou en mousseline
- la brasselière
au nombre de 2 à 3
en cotonne, cotonnade, en indienne
parfois assortie au béguin
rose, blanche, bleue, à raies rouge et bleu, à raies bleu et blanc, bleue à pois rouges
- le drapeau (ou lange)
de 2 à 5
- le bouraçon
au nombre de 2
en droguet, en cotonnade, étoffe doublée de percaline verte
- le mouchoir
en indienne, simples et en laine
rouge à carreaux, blanc, à fleurs rouges, à damiers
- l'oreiller
en coutil de Flandre, en cotonnade, en toile
à grandes raies, blanc, rouge
Les effets cités sont rarement neufs et souvent en mauvais état. Cependant la dentelle est souvent présente. Il est impossible de connaître l'origine sociale de l'accouchée, qui reste anonyme: est-elle fille de cultivateurs? domestique de maison bourgeoise? citadine? D'autre part, sauf de rares cas ou le béguin est assorti à la brasselière, il semble que les vêtements proviennent de récupérations diverses. Ils témoignent de la tradition de l'époque mais ne renseignent pas spécifiquement des habitudes paysannes.
Les vêtements que portent les enfants trouvés à l'hospice de Lapalisse en 1834 donnent le même genre de renseignements, mais le type des étoffes est omis:
pour les nouveaux-nés : chemise, drapeaux, bonnets, mouchoirs, brassière, coetrou (coetron?)
pour les enfants âgés de plusieurs mois ou d'un an :
robe en indienne, tablier, chemise, bonnet d'indienne, mouchoir, une paire de bas blancs et une paire de sabots pour un garçon d'un an.
robe brune, chemise, 2 bonnets, un mouchoir, une paire de bas blancs, une paire de sabots pour une fille de 8 mois- est-elle déjà capable de marcher?????)
Le nombre d'enfants par couple
il est variable
Très peu de couples restent stériles.
Gilberte Gournillat épouse Gilbert Charveyron en 1840 au Mayet d'Ecole. Le couple ne déclare aucune naissance. Par la suite Gilberte s'occupe beaucoup d'une de ses nièces, appelée Jeanne ou Gilberte, fille de son jeune frère Jean.
Les remariages sont plus fréquemment stériles, même si l'âge des intéressés pourrait leur permettre d'avoir encore des enfants.
L'écart entre 2 naissances est d'environ 2 ou 3 ans.
- exemple du couple Pierre Peraud et Marie Bardin mariage le 29/06/1824 à Brout
Charles 04/07/1826 mais décède le 29/07/1826
Antoinette 28/09/1827
Louis 29/04/1830
Claude 22/03/1833
Jean 16/08/1835
Antoinette 18/05/1838
- exemple Martial Sarrasin Anne Barthelas mariage 22/06/1824 à Saint-Felix
Gilbert 02/06/1825
Gilbert 19/10/1826
Catherine 03/04/1830
Marguerite 09/02/1832
Marie 24/04/1833
Gilberte 30/01/1837
- exemple Jean Baptiste Mousset et Antoinette Peraud mariage 17/07/1855 à Bayet
Marguerite 25/06/1856
Marie 06/03/1858
Antoinette 25/02/1861
Elise 19/02/1866
Marie 09/04/1868
Marguerite 16/03/1871
Claude 10/12/1873
Les enfants n'étant pas tous viables le nombre d'enfants à élever n'est pas le nombre de naissances:
Jean Gournillat et Françoise Bardot ont eu plusieurs enfants mais seul Jean Robert survit, par contre le couple fraternel Pierre Bardot et Gilberte Gournillat a 5 garçons entre 1874 et 1886 et tous atteignent la vie adulte.
Les naissances gémellaires
Les jumeaux sont rares ...Par exemple:
- à Saint-Didier en Rollat le 13/09/1807 naissent chez Etienne Passerat, journalier et Marguerite Lacarin 2 fils jumeaux.
- Chez Jean Boeuf et Catherine Lucas journaliers naissent le 16/06/1839 à Saint-Didier en Rollat deux enfants jumeaux, un fils, Antoine et une fille, Marguerite.Les 2 enfants décèdent, Antoine à 6 jours, et Marguerite à 10 jours...
Les employés d'état civil sont sans doute assez surpris au moment de l'inscription sur le regsitre. En général les 2 enfants se suivent sur le registre avec chacun un numéro.
- mais le maire du Mayet d'Ecole le 30/03/1819 inscrit "deux enfants du sexe masculin", Louis et Denis fils de Jean Espagnol vigneron et Magdeleine Robert dans un seul acte, muni des numéros 3 et 4.
- L'adjoint du maire de Saint Didier en Rollat, lui, choisit d'inscrire la naissance le 18/08/1832 de Marie et Suzanne Bonnet, filles de Antoine, cultivateur et de Françoise Prophete en un seul acte et sous le seul numéro 20, comme s'il s'agissait d'un lot!
Les couples de jumeaux sont de plus signalés en marge du registre, lors des recensements, comme les enfants naturels, les enfants trouvés ou les personnes handicapées etc...
Enfants posthumes
Plusieurs exemples ont été rencontrés, dont ceux de :
- Quintien Bardot, cultivateur aux Baux (Saint-Didier) en association avec son frère Pierre meurt le 17/09/1843. Sa femme Françoise Peronnet accouche le 15/01/1844 d'un fils posthume Antoine, chez Pierre son beau-frère.
- Blaise Neury, cultivateur à Saint-Pourçain meurt le 01/11/1863, à son domicile. Blaise laisse sa femme Elisabeth James sur le point d'accoucher. Leur fille Marguerite naît le 21/12/1863 mais ne vit que 15 jours.
Les crises conjugales
Elles n'arrivent que peu sur la place publique. Cependant des voisins ou voisines peuvent colporter leurs témoignages ou leurs suspicions concernant des relations adultères....
En général ces racontars sont considérés par les autorités comme des calomnies pouvant nuire à la réputation des personnes visées. Les bavard(e)s sont alors condamné(e)s pour insultes par le juge de paix.
Cependant le mari trompé peut se manifester lui-même, comme Jean Baptiste Gevy qui menace de mort l'amant supposé de sa femme....
Jean Baptiste Gevy, 39 ans, veuf de Elizabeth Bruca depuis 1875, cultivateur au Lery (Vesse) se remarie en 1877 à Vesse avec Françoise Bougarelle, 37 ans, elle-même veuve de Antoine Moullin depuis 1874 et journalière au Chambon. Ils ont tous deux des enfants de leur première union.
Deux filles naissent, Louise en 1878 et Marie en 1882, à Vesse, aux Justices, où le père travaille comme journalier. En 1881 ils ont auprès d'eux la fille de Françoise, Procule Moulin née en 1867 au Vernet.
Mais en 1885 Françoise Bougarelle a quitté son mari. Celui-ci accuse Claude Sabit, 60 ans, fermier aux Chambons (Vesse), marié et vivant avec ses enfants et ses petits enfants, d'être le responsable de la situation, d'où les menaces de mort, qui le font citer au tribunal.
Les choses s'arrangent finalement.... Jean Baptiste Gevy est indiqué 2 fois sur le registre du recensement de 1886 :
- aux Justices avec ses 2 enfants du premier lit, Charles âgé de 22 ans et Anne âgée de 21 ans
- aux Compoints avec Françoise Bougarel et leurs 2 filles.
C'est donc vraisemblablement courant 1886 que Françoise Bougarel a réintégré le domicile conjugal qui a été déplacé aux Compoints.....
Certains couples vivent séparés mais pour des raisons professionnelles:
En 1846 à Bayet deux femmes vivent avec leur enfant, leur mari est absent parce que domestique:
- Gilberte Laronde femme Paltrat vit avec sa fille Jeanne Paltrat âgée de 12 ans. Elle gagne sa vie comme journalière.
- Anne Maussang, femme de Faure vit avec son fils Adolphe âgé de 11 ans et elle aussi est journalière.