Les testaments, les héritages, les successions
Les testaments - les sucessions
Les testamentS chez les cultivateurs bourbonnais
Le testament est très rarement rédigé par la personne elle-même. Le seul testament rencontré est celui de Jean Arnoux époux de Marie Bargnou, à Creuzier le Neuf, datant de 1862:
Or Jean Arnoux n'est pas cultivateur mais huilier et propriétaire. Il décède à Creuzier le Neuf le 15/09/1863. Comme il n'apparait ni sur les registres de recensement ni sur les tables décennales, il n'est pas possible de comprendre précisément les motifs du testament.
Souvent une maladie pousse une personne à faire son testament, pour mettre ses affaires en ordre....
La personne malade reçoit le notaire chez elle, et dicte au notaire ses décisions testamentaires devant témoins.. Selon la loi le notaire doit être accompagné de 4 témoins, citoyens français, majeurs, jouissant de leurs droits civils et qui ne sont ni parents ni alliés au degré prohibé soit entre eux soit du testateur ou de la testatrice, soit du légataire, soit du notaire.
Le notaire doit déclarer que la personne "malade de corps mais saine d'esprit, mémoire, jugement et entendement » est capable de dicter son testament.
Le notaire relit ensuite ce qu'il a écrit pour que le testateur déclare devant les témoins que le texte correspond bien à ses dernières volontés. Si la personne sait signer elle appose sa signature en bas du texte.
signature de Marie Sarrazin en 1862
Marie Sarrazin, qui vit chez son père, dicte au notaire son testament en faveur de son père veuf, à 19 ans, pendant sa maladie : le 05/02/1872. Le notaire Maître Pierre Grand se rend chez elle. Marie signe d'une écriture ferme, malgré sa maladie, « Marie Sarrazin ». Elle meurt le 17/04/1872, 2 mois après la signature du testament.
Souvent le notaire décrit précisément les circonstances de la scène et donne des détails. Ainsi
Le 17/03/1824 maître Morand se rend avec les 4 témoins requis chez Antoine Giard laboureur à Crechy,
trouvé dans la seconde chambre à rez de chaussée de la maison du dit domaine couché dans son lit, malade etc....
Le 16 avril 1838 maître Aufauvre se rend chez Blaise Beaume locataire à Brout-Vernet
où nous l'avons trouvé couché dans son lit placé à côté de la cheminée près de la croisée donnant aspect de jour, malade de corps mais sain de mémoire, esprit et entendement ainsi qu'il nous a apparu et à nos témoins par ses dires et entretiens.
La décision de faire un testament peut provenir de changements dans la famille, qui peuvent inciter à modifier le testament déjà existant, puisque c'est le dernier qui doit être pris en considération au moment du décès.
A partir d'un certain âge la personne
craignant d'être prévenue par la mort avant d'avoir manifester ses intentions....(testament de Anne Geneste le 16/10/1825)
Si la personne est âgée ou considérée socialement assez importante le notaire peut se déplacer.
Le notaire maître Grand trouve à Sanssat le 13/07/1870 Philippe Deverne « assis sur un banc près d'une table » et Marie Valette sa femme «assise près de la cheminée ».
La présence des 4 témoins est requise que ce soit au domicile du testateur ou chez le notaire.
L'importance du testament dépend de la situation de la personne. En effet en absence de testament:
- les enfants recueillent la succession de leurs parents à égalité entre eux.
- Le veuf ou la veuve a droit à l'usufruit de la part du conjoint décédé ou à une partie d'usufruit en cas d'enfants
- Pour les couples sans enfants ou les célibataires les ascendants, les frères et soeurs, les neveux se partagent la succession.
Le testament permet d'apporter des nuances. Dans le cas d'enfants ceux-ci ne peuvent pas être exclus mais une part peut être distribuer selon le souhait du testateur.
En absence d'enfants et d'ascendants la liberté, beaucoup plus grande, permet le legs en faveur de toute personne appartenant ou non à la famille.
Le testament peut porter sur l'ensemble des biens de la personne, selon l'expression consacrée:
je lègue tous les biens meubles et immeubles dont je pourrai vêtu et saisi
Mais si le testament prévoit un partage entre plusieurs bénéficiaires chaque objet est détaillé:
Gilberte Tate célibataire et malade lègue
- à sa soeur : une partie de ses vêtements et du linge
- à l'enfant trouvé élevé par sa soeur: des vêtements, un lit en plume avec traversin, couverture, draps, serviettes et un coffre
La lecture attentive des testaments permet d'avoir un regard sur la vie affective des testateurs, car y apparaissent les affections, et également les sentiments hostiles et même les fluctuations dans les sentiments...
Dispositions en faveur de l'enfant naturel
Les relations entre la mère et son enfant naturel apparaissent nettement dans des testaments avec de nombreuses nuances.
La mère célibataire ne se reconnait pas toujours comme mère, craignant la réprobation sociale et la honte familiale, ce qui n'empêche pas de l'affection et/ou le sens de responsabilité.
- cas de Gilberte Tate
Le 06/071811, malade, Gilberte Tatte dicte son testament au notaire devant témoins.
Célibataire majeure, elle vit chez sa soeur et son beau-frère Joseph Morillion, cultivateur au Mayet d'Ecole. Il y a environ 11 ans un enfant inconnu a été présenté à la mairie du Mayet. Il a eu pour parrain Jean Bonnamour et marraine Françoise Tatte, sa soeur, qui l'a élevé jusque là.
Elle explique ses décisions en donnant 3 motifs intéressants:
- elle "considère" qu'elle n'a point de descendants en ligne directe
- elle veut récompenser sa soeur pour les puissants services qu'elle lui a rendus en diverses circonstances
- elle veut aussi la récompenser pour sa générosité envers l'enfant inconnu, filleul de sa soeur.
Elle lègue donc à sa soeur une partie de ses vêtements et de son linge, et à l"enfant "inconnu", en toute propriété, la plus grande partie de ses vêtements et du linge, le lit en plume avec traversin, couverture de Catalogne, draps, serviettes, un coffre garni de ferrements, et tous ses biens immeubles...
Elle meurt le lendemain chez son beau-frère, âgée de 36 ans...
Il est difficile de ne pas supposer que l'enfant inconnu est son fils, sauvé de l'hospice par la soeur généreuse...qui de plus l'a soutenue dans cette dissimulation. L'enfant est alors âgé de 11 ans il a un prénom et Gilberte le connait forcément au moment de dicter son testament, alors elle manifeste vraiment une grande crainte que la vérité éclate!
- cas de Marie Pothier
Marie Pothier, elle aussi célibataire, dicte son testament le 09/10/1848 à Maître Marconnot, à l'âge de 52 ans, étant malade. Elle institue Claude Naturel cultivateur à Chazeuil son légataire universel pour (le) récompenser des soins et des bons services qu'il m'a prodigués. Elle lui lègue donc tous ses biens.
Bien sûr il pourrait être un voisin serviable... Mais lors du recensement de 1851 ils demeurent ensemble, lui est alors âgé de 27 ans et est indiqué "son fils" tout en étant nommé "Claude Naturel"(nom assez répandu pour les enfants "naturels") . Et en 1856 ils demeurent encore ensemble et Claude apparait sous le nom de "Pothier, son fils naturel".
- cas de Françoise Jourde
Elle aussi dicte son testament, en 1838, chez Maître Aufauvre en faveur de son fils naturel, qui demeure avec elle et elle précise vouloir donner (lui) des marques de l'amitié que j'ai pour lui
Françoise assume mieux que les autres nommées sa situation. C'est sa mère qui a déclaré l'enfant à la mairie de Saint-Pont le 28/01/1827et elle a sans doute eu moins à souffrir de sa situation "honteuse".
- cas de Marie Gosse
L'exemple cité de Marie Gosse, célibataire enceinte, dicte chez son père au notaire Plantin (le Mayet d'Ecole) en 1830 son testament en faveur de l'enfant qu'elle porte (cf en marge de la société /les enfants naturels)
Elle lègue à l'enfant tous ses biens meubles et immeubles, et dans le cas où il ne survivrait pas à son neveu et filleul, mais avec l'usufruit de tous les biens à son père.
Elle décède le 19/07/1831, âgée de 40 ans, dans la maison de son père, sans avoir mis au monde un enfant vivant.
- cas de Marie Billard
Marie n'est pas célibataire, mais mariée à Pierre Girodon vigneron à Billy. Etant malade en 1840 elle fait venir le notaire Morand de Billy et les témoins pour dicter son testament.
Elle lègue à son mari l'universalité de tous ses biens meubles et immeubles, mais
à la charge de donner à Catherine enfant naturel âgée de 8 ans mon armoire telle qu'elle est désignée par mon contrat de mariage aussitôt que la dite Catherine aura atteint la majorité ou lors de son mariage.
Ils se sont mariés à Billy en 1833, lui âgé de 25 ans, elle de 42 ans. Catherine âgée de 8 ans en 1840 doit être née en 1832, un an avant le mariage, mais elle ne figure ni sur le registre de Billy, ni sur celui de Marcenat. Marie décède le 12/05/1840, le jour de l'élaboration du testament.
Sur le testament elle ne précise pas qui est Catherine et n'indique pas non plus où elle demeure, mais dans le registre de recensement de 1836 Pierre Girodon, journalier, et Marie Billard ont auprès d'eux "Marie inconnue" âgée de 5 ans et sur celui de 1841, après le décès de Marie Billard, Pierre Girodon vit avec Magdeleine Boudin et Catherine Billard, qui porte alors le nom de sa mère avec son propre prénom. Si Pierre Girodon n'était pas le père prendrait-il soin de l'enfant????? Malheureusement ils sont absents de la commune en 1846...
- cas de Antoine Tempier et Victoire Pouyat
Le 20 février 1831 à l'étude de Antoine Plantin notaire au Mayet d'Ecole Antoine Tempier et sa femme Victoire Pouyat, locataires au lieu des Sardons (Escurolles) font chacun leur testament. Antoine Trempier donne et lègue à Claude Pouyat
fils de père et mère inconnus mais inscrit sous le dit nom aux registres de l'état civil tous les biens meubles et immeubles dont je pourrai vêtu et saisi entendant qu'il soit mon seul et unique héritier.
Je révoque tout autre testament qui serait antérieur à celui-ci
Victoire Pouyat dicte au notaire le même texte. Or elle porte le même nom que l'héritier, Claude Pouyat.
Aurait-elle accouché d'un enfant illégitime déclaré sous son nom à elle? Antoine Trempier est-il le père? Se sont-ils mariés après la naissance sans le légitimer?
Dans les registres d'Escurolles ne se trouvent pas d'actes de naissance, de mariage, ou de décès des protagonistes, ce qui n'est pas surprenant puisqu'ils sont locataires et donc appelés à changer de commune en fonction des baux...et dans le texte des testaments "jumeaux" il n'est pas précisé dans quel registre d'état civil l'enfant a été déclaré...
Le fait que chacun désigne l'enfant "inconnu" comme unique héritier démontre cependant qu'ils sont les parents. ...
- Anne Charton et Etienne Darpin
Comme les testaments en faveur des enfants naturels certains lèguent leurs biens à des étrangers sans justification, mais sont-ils vraiment des étrangers??????
Ainsi Anne Charton, veuve de Piere Saulnier décédé en 1825 à l'âge de 58 ans à Saint Gerand de Vaux, dicte son testament le 30/05/1826 à maître Droiteau. Elle institue Etienne Darpin journalier domicilié à Saint-Voir son héritier universel et lui lègue donc tous ses biens meubles et immeubles. Elle ne fournit aucune justification de son choix et ne donne aucun renseignement pouvant identifier le bénéficiaire.. Serait-elle la mère?????
Dispositions exprimant un attachement
- Pierre Adam et Gilberte Roche
Pierre Adam, journalier, veuf avec enfants demeurant à Villaine et Gilberte Roche majeure et célibataire, domestique chez Antoine Bouchard métayer à Saint-Remy, dictent chacun et le même jour, le 23/10/1825, leur testament à maître Morand. Ils veulent donner chacun à l'autre
des marques du sincère attachement conçu pour (elle/lui)
Lui, lui lègue le quart de tous ses biens meubles et immeubles en toute propriété à compter de l'instant de son décès, les autres trois quart appartiendront à ses loyaux héritiers (c'est à dire ses enfants).
Elle, lui lègue l'usufruit et jouissance de tous ses biens meubles et immeubles au jour de son décès, à la charge pour lui de faire inventaire, l'usufruit sera réuni à la propriété en faveur de ses loyaux héritiers à son décès.
Les 2 testaments ne justifient pas l'attachement sincère qui les unit....
Ils ont choisi 2 formules différentes, lui lui lègue, définitivement, le 1/4 de ses biens, elle lui lègue l'usufruit de tous ses biens en viager....
Faute d'enfants un neveu ou une nièce peut susciter un sentiment fort...
- Gilbert Rambert et sa nièce Louise Anne Favier
N'ayant ni ascendants ni descendants et portant une affection particulière à ma nièce …..
il dicte son testament en 1828 chez Maître Morand (Billy).
Cependant ces bons sentiments sont complétés par un motif plus intéressé:
voulant de plus la récompenser des bons et agréables services que j'espère recevoir d'elle en venant habiter avec moi et en soignant ma vieillesse......
Anne Favier, elle, dicte elle aussi un testament le même jour auprès du même notaire, dans lequel elle lègue à Gilbert Rambert l'universalité de tous les biens meubles et immeubles dont je mourrai vêtue et saisie .
Or Louise, elle a encore son père, chez qui elle demeure....ce qui pourrait sous-entendre qu'elle éprouve également une forte affection pour son oncle...
- Françoise Grosbaut et sa nièce
Françoise Grosbaut, locataire, malade, fait venir chez elle maître Bellaigue le 03/03/1835 pour lui dicter son testament..Elle lègue à sa nièce mineure Jeanne Bardot qui vit avec elle, son armoire fermant à clef, tous ses vêtements à son usage personnel, quatre de ses « meilleurs draps » et le lit sur lequel elle couche. Elle précise de plus qu'elle ne veut pas que sa nièce ait à payer des charges sur ce legs, donc ce sera à la charge de la succession. Mais elle ne lèse pas son mari, Jean Moraud, cultivateur, puisqu'elle l'institue son légataire universel.
Il faut remarquer, qu'en fait, il s'agit de la nièce de son mari et non la sienne, puisque Jeanne Bardot est la fille de François Bardot et Françoise Moraud. Elle ne précise pas pourquoi l'enfant vit auprès d'eux...
Françoise Grobos décède au Mayet âgée de 48 ans, le 30/04/1835, soit moins de 2 mois depuis le testament...
- Jean Barthelax et sa nièce
"ayant conçu un sincère attachement (pour elle) et voulant la récompenser des soins qu'elle a eu pour lui et des services qu'elle lui a rendus et de tous ceux qu'il espère recevoir d'elle à l'avenir."
Dans le cas d'un remariage, la nouvelle épouse peut éprouver de l'affection pour enfants et/ou petits enfants de son mari, issus du premier mariage.
- Thérèse Sarazin et les petits-enfants de son mari
Lorsque Thérès Sarrazin se trouve malade à plus de 60 ans, elle fait venir le notaire Maiître Morand pour lui dicter son testament, le 12/12/1824.
Elle veut donner des preuves de son affection aux 6 enfants de Jean Gautier, mineurs, qui demeurent dans la même locaterie.
Elle leur lègue tous les biens meubles et immeubles don elle mourra vêtue, pour chacun des enfants une sixième portion, mais laisse l'usufruit à son mari pendant le reste de sa vie.
- Marguerite et le petit fils de son mari
La situation de Marguerite ressemble à celle de Thérèse Sarrazin, mais avec cependant une différence fondamentale: Marguerite qui ne porte pas de nom de famille est une enfant trouvée. Elle a épousé en 1816 Etienne Bonivaud, veuf de Marie Bazile, qui ont eu un fils, Claude, né en 1808. Claude s'est marié en 1833 avec Gilberte Thevenin à Varennes sur Allier. Le couple a eu plusieurs enfants mais seulement 2 ont survécu.
En 1851 Etienne, Claude son fils, Gilberte Thevenin sa belle-fille étant décédés, Marguerite dicte son testament chez Maître Marconnot. Pour Marguerite la famille de son mari est sa seule famille...Elle institue pour son légataire universel Gilbert Bonivaud, enfant mineur, son filleul. Il s'agit du fils de Claude né en 1838, donc âgé de 13 ans.
En l'absence d'enfants et de conjoint le frère ou la soeur peut représenter la personne la plus importante
- les frères Griffet
Les 2 frères demeurent et exploitent ensemble à titre de fermiers ou locataires.
L'aîné veut éviter que son frère soit inquiété par ses autres héritiers.
l'affection conjugale
Le mot "amour" n'est jamais utilisé....
Au bout d'un certain nombre d'années de mariage les époux savent mieux à quoi s'en tenir...Le souhait de garantir la situation du conjoint pousse alors à faire un testament.
Si le couple est sans enfants le testateur dispose de plus de liberté, mais les frèrezs et soeurs e les oncles et tantes peuvent reclamer leur part, en absence de testament.
- Gilbert Charveyron
Ainsi Gilbert Charveyron, cultivateur aubergiste à Ambon, époux de Gilberte Gournillat, malade, fait venir le notaire Fournet à son domicile le 21/01/1869 pour léguer à son épouse l'universalité de tous ses biens. (le couple n'a pas eu d'enfants)
- Antoine Giard
voulant donner à Gilberte Peulon sa femme de nouvelles preuves de la sincère amitié qu'il a conçu pour elle depuis leur union en mariage et la récompenser des bons et agréables services qu'il a reçu d'elle et de ceux qu'il espère en recevoir,
lui faire tous les avantages dont la loi lui laisse la libre disposition, n'ayant ni ascendant ni descendant
- Claude Lejeune
devra souffrir l'inventaire qui sera aux frais des héritiers qui le requereront.
Claude Lejeune veut aussi récompenser sa nièce, Françoise Lejeune,épouse de Emmanuel Raix pour les soins qu'elle veut bien lui rendre, Il lui fait donc un legs particulier par préciput et hors part 2 cuves qui se trouvent placées chez eux, à la charge de laisser Françoise Peronnet en jouir sa vie durant.
- Anne Genest
Anne Genest, épouse de Gilbert Guyot laboureur métayer à Fougerat (Billy), craignant d'être prévenue par la mort, veut elle aussi donner à son mari des preuves de attachement qu'elle a toujours eu pour lui.
Elle dicte ses dernières volontés à Maître Morand en 1825. En présence d'enfants Anne Genest ne peut léguer à son mari que la jouissance et l'usufruit de la moitié de tous ses biens de quelque nature que ce soit pendant sa vie durant. L'autre moitié d'usufruit avec la propriété du tout seront et appartiendront aux enfants et loyaux héritiers.
- Pierre Ray
Pierre Ray domestique au Mayet d'Ecole se marie le 12/01/1808 avec Marie Paturet, veuve en secondes noces de Jean Bernard, décédé le 07/09/1806.
On pourrait considérer qu'il s'agit d'un mariage de convenance..... Mais le 04/06/1808 Pierre Ray, devenu cultivateur ,
couché dans son lit, malade de corps et néanmoins sain d'esprit, mémoire et entendement
dicte son testament au notaire Jean Baptiste Pracros en faveur de sa femme:
je lui lègue et donne l'entière propriété de tous mes biens meubles et immeubles qui se trouveront en ma possession le jour de mon décès.
Quelles sont ses motivations?
Voulant reconnaître et récompenser les puissants services que j'ai reçus depuis mon mariage de Marie Paturet (...) mon épouse.
Pierre Ray et Marie Paturet ne sont mariés que depuis 6 mois et Pierre a déjà de puissants motifs de reconnaissance....Il décède le 18/02/1812 au Mayet.
L'affection parentale
L'affection des parents pour leurs enfants ne se manifeste pas toujours à égalité entre les enfants. Des préférences apparaissent, dans les testaments, puisque la loi prévoit l'égalité entre les enfants.
- Madeleine Courrier
Ainsi Madeleine Courrier, veuve de Jean Daguenet, métayère à Montoldre, fait venir à son domicile étant malade le notaire Maître Granjean, le 29 avril 1832 et lui dicte ses volontés:
« pour récompenser mes enfants ci-après nommés des soins qu'ils m'ont donnés et du temps qu'ils ont employé au service et aux travaux de ma maison depuis la mort de leur père »
Les bons enfants sont: Alexis et Marie qui habitent avec elle et Pierre soldat en activité de service . Elle leur lègue le 1/4 de tous les biens meubles et immeubles, par préciput et hors part.
Les 3/4 restants seront donc partagés entre les 3 enfants privilégiés et les autres....puisque la loi ne permet pas de déshériter entièrement les enfants.
- Gabrielle Gilbert, veuve de Joseph Chesne
"voulant récompenser les bons et agréables services que m'a rendu et me rend encore Claudine Chesne épouse de Jean Martin ma fille la plus jeune ",étant malade fait venir le notaire Morand chez elle à Saint Felix le 09/05/1830.
Elle veut donner et léguer à sa fille en préciput et hors part le quart de tous les biens meubles et immeubles qu'elle laissera le jour de son décès. Elle précise que sa fille partagera ensuite le surplus avec ses sœurs.
- Blaise Dubost veut favoriser ses 2 fils
Il leur lègue donc le 12/05/1839 par préciput et hors part la moitié de tous ses biens. La moitié restante sera ensuite partagée entre les 2 fils et la fille...
- Antoine Dubessay veut favoriser son fils Pierre, en qualité d'aîné.
Le 15/05/1838 devant maître Droiteau de Saint-Pourçain, il lègue le quart de tout ce qui constituera sa succession, par préciput et hors part à Pierre, ou à défaut en faveur de ses enfants, à charge pour lui d'en faire jouir pendant sa vie Françoise Gautier, sa seconde épouse. Les 3/4 restants seront partagés entre tous les enfants....
- Jean Michalet propriétaire cultivateur à Langy
Jean Michalet, veuf de Marguerite Grand, veut récompenser Marie, sa fille aînée, qui habite avec lui, pour les bons soins et les services qui lui a rendus et ne cesse de lui rendre.
De la même façon les oncles et tantes peuvent manifester leurs préférences :
Philippe Devernes n'a pas eu d'enfants avec sa femme Marie Valette mais il a plusieurs neveux et nièces. Dans son testament du 13/07/1870 il lègue:
- à Benoite Gueret par préciput et hors part 500 francs, pour venir ensuite prendre part à une succession selon la loi.
- à Anne Buffet, épouse de Jean Faure 100 francs, sans rien d'autre.
- à Benoite Guillon, petite nièce âgée de 16 ans 100 francs par préciput et hors part
Laurent Gueret le frère de Benoite, n'est pas cité sur le testament, il n'est pas effacé de la succession, il aura seulement moins que sa sœur … et c'est le petit neveu de sa femme, Philippe Mourlat, qui aura ses outils de tisserand, de tonnelier et de jardinage.
Les grands parents peuvent parfois favoriser un petit-fils
En 1850 Amable Lasnier, propriétaire à Saulzet fait une donation à son petit fils, Amable Masson, fils de sa fille, et propriétaire cultivateur dans la même commune, voulant (lui) donner une preuve de son affection
L'affection filiale
- Marie Sarrazin
Gilbert Sarrazin, vigneron à Billy a eu plusieurs enfants, mais seule Marie a survécu. D'autre part Françoise Buisson la mère de Marie meurt le 27/10/1869 âgée de 37 ans. Gilbert ne se remarie pas et vit avec sa fille dont il est le tuteur. Marie a fréquenté l'école et sait lire et écrire. Son père, qui est revenu blessé et pensionné du service militaire jouit d'une certaine prospérité en comparaison avec ses soeurs mariées.
- Annet Nigout
Plus étonnant est le testament d'Annet Nigout, de Jenzat, soldat réformé de la classe 1845, rentré prématurément malade.
En 1848 il lègue a son père les 3/4 de tous ses biens meubles et immeubles et à sa belle-mère le 1/4.Il les institue l'un et l'autre légataires à titre universel, et révoque tout testament antérieur.
La mère d'Annet, Marie Richard, est décédée le 29/03/1837, le père s'est remarié le 30/01/1838 avec Anne Martin veuve et mère d'une fille Gabrielle Menon.
Il n'est pas fréquent qu'un orphelin manifeste de la sympathie, reconnaissance ou affection à la nouvelle épouse du père....
le testament comme sanction
- conflit non explicité
Lors de son premier testament en 1870 Marie Valette, épouse de Philippe Devernes, tisserand, et n'ayant pas d'enfants, avait prévu deux legs,
- 1000 francs pour sa nièce Gilberte Mourlat qui vivait chez elle et en outre tous les meubles meublants
- tous les outils de tisserand à Philippe Mourlat, fils naturel de Gilbert Mourlat
les legs au moment du décès étant seulement en nue-propriété pour y joindre l'usufruit au décès de Philippe Devernes.
Marie Valette laisse à son mari l'usufruit et jouissance des valeurs léguées et de tous les biens qui se trouveront au moment de son décès.
Cependant Marie Valette refait un testament, le 23/08/1873 auprès de même notaire : elle ajoute un legs de 300 francs à Philippe Mourlat et surtout elle précise:
Comme condition expresse j'entends que Marie Valette ma nièce épouse Dufour de Cusset et Jan Baptiste Valette de Varennes mes neveux et nièces ni leurs enfants ne prennent aucune part à ma succession, c'est à dire que pour régler ma succession ils devront être considérés eux et les leurs comme n'ayant jamais existé.
Mais elle n'explique pas les motifs de sa décision...Quel conflit a-til apparu avec ses neveu et nièce????
Jean Baptiste Valette, marchand de grains à Varennes est marié à Pierrette Valet, avec 2 filles, Marguerite et autre Marguerite âgées de 15 et 6 ans.
Françoise Valette, est mariée à Blaise Dufour, conducteur d'omnibus en 1872 à Cusset avec un fils Claude chaudronnier.
- rivalité jalousie entre entre les enfants
Gilbert Guyon et Antoinette Meunier cultivateurs à Jenzat ont eu plusieurs enfants, certains morts en bas âge. Les 2 aînées se marient , Louise avec Gilbert Chardon en 1847 et Madeleine avec Gilbert Debret en 1850. François leur fils aîné, né le 20/01/1833 aurait dû accomplir son service militaire (classe 1853), Mais les parents n'acceptent pas la situation et décident d'acheter un remplaçant, pour la somme de 2500 francs, payée aux dépens des deniers de la communauté existant entre le père et la mère..Un autre fils Gilbert naît en 1840.
Antoinette Meunier éprouve le besoin de dicter son testament auprès de Maître Chabanon en 1855 pour clarifier la situation entre les enfants, car elle décide de donner et léguer par préciput et hors part le 1/4 et quatrième portion de tous ses biens à tous ceux de ses enfants qui consentiront à ne point exiger le rapport à sa succession à la part de François Guyon, le fils aîné de la somme de 1250 francs formant la moitié de celle employée à le libérer du service militaire.
Elle veut e plus priver du 1/4 celui ou ceux
qui contre ma expresse volonté rechercherait mon fils François Guyon à ce sujet.
Dans le cas où cette disposition serait attaquée par un ou plusieurs de mes enfants, j'entends alors léguer par préciput avantage hors part le 1/4 en quatrième portion de tous les biens meubles et immeubles que je laisserai le jour de mon décès à celui de mes enfants contre lequel serait dirigée toute action à ce sujet ainsi qu'à ceux qui ne s'y associeraient point conjointement entre eux et ce au préjudice et à l'exclusion de celui ou ceux par qui l'action dont il s'agit serait exercée.
A remarquer, il n'est pas question du père. C'est pourquoi la moitié de la somme, celle qui correspond à la mère est en litige, l'autre moitié qui appartient au père entre bien en compte au moment de la succession.
Antoinette Meunier semble connaître la réticence de "certains " de ses enfants, or il ne peut être question du jeune fils, encore enfant. Par contre les 2 filles sont mariées et ce sont les maris qui défendent leurs intérêts, on peut donc supposer qu'au moins un gendre s'oppose à sa belle-mère, et que l'autre pourrait être entraîné....
Dispositions testamentaires en dehors d'un testament
Parfois les parents profitent du contrat de mariage des enfants pour prévoir une disposition testamentaire en même temps.
En 1826 Louis Chanier journalier à Saint Gerand de Vaux et Catherine Petit, orpheline et domestique dans le même commune ont le projet de se marier.
Lors de l'établissement du contrat de mariage (Droiteau 11/06/1826) la mère de Louis, Anne Gaillon, veuve d'Antoine Channier, ayant le futur mariage pour agréable, fait donation à son fils par préciput, hors part et sans aucune imputation dans ce qui peut lui revenir de la succession, du 1/4 de tous les biens meubles et immeubles dont elle décèdera vêtue et saisie.
Elle favorise ainsi ce fils par rapport aux autres héritiers.
Une communauté de travail est décidée entre Anne Gaillon et le futur couple, Anne va donc cohabiter avec sa belle-fille et Catherine Petit, orpheline, lui convient. Peut-être même est-elle à l'origine du mariage...
Dans le contrat de mariage, en 1850, de sa fille naturelle reconnue, Marie David propriétaire, institue Anne son héritière générale et universelle à l'effet de lui succéder dans tous les biens meubles et immeubles qui composeront sa succession (....)à compter du décès de la dite Marie David.
Lors de la signature du contrat de mariage de Françoise Saulnier le 14/01/1886 chez maître Grand à Billy, Pierre Chassaing et son épouse Gilberte Saulnier, qui ont élevé leur nièce comme leur fille, veulent lui manifester leur satisfaction pour le mariage projeté qu'ils considèrent comme « agréable ». Ils l'instituent donc
« leur héritière universelle de tous les biens meubles et immeubles sans exceptions qu'ils laisseront à leurs décès et ce par préciput et hors part ».
Ils s'interdisent même « de faire à son préjudice aucun acte de libéralité entre vifs ou testamentaire ».
Dispositions religieuses
Madeleine Reveret, veuve et locataire à Billy dicte depuis son lit de malade son testament au notaire Morand le 02/05/1825. Elle n'a pas eu d'enfants et lègue ses biens à son neveu François Reveret, qu'elle institue son seul et unique héritier. Elle le charge de payer une somme de 60 francs dans 9 mois à compter de son décès à son autre neveu, Pierre Reveret.
Mais surtout elle a aussi le souci de sa vie éternelle. Elle charge donc François
de faire inhumer comme il convient (son ) corps dans le cimetière de cette commune, de faire dire quarante" messes pour le repos de (son) âme, savoir quarante jours après et les autres dans le courant de l'année de (son) décès.
Un autre exemple se trouve en 1828 chez maître Morand à Billy: Marguerite Vejus épouse de Jacques Deschamps, tisserand à Billy, étant malade et voulant récompenser son mari des bons et agréables services et lui donner de nouvelles preuves de son sincère attachement (formulation habituelle chez maître Morand!!) l'institue son légataire universel. Elle le charge seulement de faire dire 40 messes basses l'année de son décès.
Gilbert Pantier, propriétaire cultivateur à Saint Gerand de Vaux, malade en 1828, fait venir le notaire Jacques Droiteau pour lui dicter son testament et révoquer les testaments précédents. Gilbert est veuf et âgé de 55 ans. Le nouveau testament ne règle pas toutes ses affaires, il précise seulement:
- legs de 250 francs aux pauvres de la commune, somme qui devra être remise directement au curé de la commune pour être distribuée
- legs de 250 francs au curé pour dire des messes pour le repos de son âme
Les successions chez les cultivateurs
Le Code civil règle les successions, complété par les dispositions prises sur le contrat de mariage et par les testaments.....
Les héritiers naturels sont les enfants, les ascendants, mais aussi les frères et sœurs, neveux et nièces. oncles et tantes...
Le testament permet une plus grande souplesse mais dans le cadre du Code civil. Ainsi il ne peut pas permettre de déshériter un héritier réservataire.
Le partage est effectué devant notaire, en tenant compte du testament éventuel, et des clauses du contrat de mariage et du Code civil.
Suivant la situation familiale et les biens à partager le règlement de la succession peut être très complexe.
Les héritiers
La situation du conjoint survivant
Le conjoint survivant n'est pas héritier. Il peut jouir de l'usufruit de l'ensemble des biens du pré-mourant selon les dispositions du contrat de mariage ou du testament, si le couple n'avait pas d'enfants.
Dans le cas d'enfants le veuf ou la veuve il n'a qu'une partie de l'usufruit.
Les enfants
Le Code civil prévoit l'égalité entre les enfants, garçons ou filles.
Les dots fournies aux filles au moment du mariage sont, la plupart du temps, données en avance d'hoirie, ce qui signifie qu'au moment de la succession des parents la valeur de la dot est incluse dans la portion attribuée à la fille. C'est pourquoi il est précisé dans le contrat de mariage si le trousseau de la future provient de ses gages et économies ou s'il est fourni par les parents.
Les fils peuvent aussi avoir reçu une aide, par exemple pendant le service militaire etc...
Devant le notaire après le décès du parent tout est comptabilisé, et des conflits peuvent surgir.
Pour éviter les problèmes certains parents décident de partager leurs biens entre leurs enfants de leur vivant.
Ainsi Etienne Burlier et sa femme Adelaine Dinet, le 03/03/1833, partagent leurs biens en 3 lots, chacun des 3 enfants tire au sort un lot.
« tenant à prévenir les contestations qui pourrait faire naître entre leurs enfants le partage de leurs biens ».
A la mort d'un des parents le survivant doit faire exécuter un inventaire à cause de la communauté qui a existé entre lui et son conjoint.
L'inventaire est effectué avec plus ou moins de soin, en fonction de l'importance des biens laissés. Si la succession est très réduite, le survivant peut même en être dispensé...
Le survivant promet de représenter tous les objets, sans en prendre ou détourner aucun des biens dépendant de la communauté. Les objets sont prisés par le notaire, par un greffier de la justice de paix, ou à l'amiable.
Les enfants mineurs héritent de leurs parents mais ne peuvent jouir des biens directement, c'est le tuteur qui les gère en attendant leur majorité. Au moment de la succession il prend en charge la part de l'orphelin, qui peut être constituée d'un bien immobilier (terre, maison etc...) une somme d'argent, des objets. Les biens immobiliers, donnés en bail, apportent un revenu à l'héritier. Quant aux objets ils sont vendus ou gardés en nature s'ils peuvent être directement utilisés pour l'entretien de l'orphelin:
- A la mort de son frère Jean, veuf, en 1851 Martial Sarasin conserve un lit en plume et des draps pour sa nièce et pupille Anne. Il lui remet, au moment de son mariage, le lit en plume mais pas les draps qui ont été utilisés entretemps pour son entretien.
- Les hardes, linges, lit, meubles et autres petits objets qui appartenaient à Jean Giard et ses soeurs au décès de leurs parents en 1818 ont été inventoriés le 8 et 9 décembre 1818. Le tuteur a été autorisé à les garder en nature pour l'utilité des mineurs. A leur majorité les 3 enfants se partagent les objets.
Les parents
Dans le cas d'un enfant qui meurt avant l'un de ses parents, le parent survivant recueille seulement la moitié de la succession de l'enfant décédé.
Quand Pierre Bussonnet meurt le 02/05/1852 il laisse sa fille mineure, Marie, comme héritière et sa veuve Juliette Roumeau comme donataire de l'usufruit suivant le contrat de mariage. Mais Marie décède le 11/11/1852. Elle laisse sa succession pour moitié à sa mère Juliette Roumeau et pour l'autre moitié à Quentien Bussonnet et sa femme Françoise Moulin.
Celui ci réclame le 29/03/1853 devant le juge de paix d'Escurolles la liquidation partage de la communauté conjugale Pierre Bussonnet-Juliette Roumeau, de la succession de Pierre Bussonnet et de celle de Marie Bussonnet.
Les autres héritiers naturels
- Les ascendants
Quand Marie Sarrazin encore célibataire, meurt de maladie à 20 ans, c'est son père son héritier pour une part, elle a fait un testament en sa faveur, mais il doit régler la part qui revient aux oncles maternels de Marie.
- Les oncles et neveux
Philippe Deverne qui n'a pas eu d'enfants a plusieurs neveux venant de ses frères et soeurs décédés avant lui. Chaque fratrie a droit à une portion représentant un frère ou une soeur de Philippe.
Les héritiers par testaments
François Guyot, pauvre infirme domicilié à Sanssat est couché sur le testament de Anne Mayeul Fournier, veuve de Antoine Duteil le 05/12/1839. Elle lui lègue, étant malade, la somme de 200 francs argent. Elle meurt le 16 du même mois....
Cette disposition n'est pas courante, mais il s'agit d'une propriétaire pieuse qui demande aussi à une de ses nièces de payer la somme de 1200 francs à la Fabrique pour l'église de Sanssat ....
Marie Rambert, domestique de Anne Mayeul Fournier est elle aussi couchée sur le testament de sa patronne, qui lui lègue un lit de plume, un matelas avec leurs enveloppes, un oreiller, deux couvertures, deux paires de draps de domestique, qui seront livrés immédiatement après le décès, et une somme de 300 francs argent que les légataires devront donner dans les 3 ans après le décès.
Généralement les propriétaires lèguent rarement une somme d'argent à leurs domestiques.....
Le partage
Les biens de la personne décédée à partager sont ses biens propres, et éventuellement sa part dans une société de travail et d'industrie.
- exemple de Marie Charcot en 1824
Antoine Dubesssay laboureur métayer au domaine de la Petite Forêt à Vilaine a eu 3 enfants de son premier mariage, il s'est remarié avec Marie Charcot décédée en 1824 laissant une fille Catherine âgée de 7 ans. Antoine Dubessay est nommé tuteur de Catherine.
Il existait une communauté de travail entre le couple et les 3 fils, chacun ayant 1/5. Un expert établit un état estimatif de l'actif et du passif de la communauté générale, dont la valeur est fixée à 1000 francs.
La portion revenant à la fille mineure est donc de 200 francs, part de sa mère, dont Antoine se charge jusqu'à la majorité de Catherine.
Quant aux effets personnels de la défunte, estimés à 60 francs Antoine les garde en nature pour les employer à l'usage et l'entretien de sa fille..
- exemple de Antoine Melin en 1846
Au décès d'Antoine Melin en 1846 à Monestier il a 4 héritiers, ses 3 fils et sa petite fille, fille de sa fille décédée.
Par contre ses biens sont assez difficiles à établir, car il vit en association avec ses 3 fils et leurs épouses, chacun possède 1/7 de la société, et il possède aussi des biens propres.
Sa petite fille a donc droit au 1/4 des biens propres et au 1/4 du 1/7 de la société. Encore faut-il pouvoir départager les 2 sources de biens et les distinguer des biens des associés...C'est pourquoi le gendre François Gaulmin, tuteur de sa fille, se montre très vigilant lors de la pose par le juge de paix des scellés sur les biens du décédé...
lots égaux entre les héritiers
Au décès de Charles Desgouttes, fermier propriétaire, le 05/04/1900 à Barberier la situation est claire entre les 4 enfants 2 fils et 2 filles
« comme seuls héritiers conjointement pour le tout et divisement chacun pour un quart de leur père »
« qu'ils sont parfaitement égaux entre eux au sujet de toutes constitutions de dots qui ont pu leur être faites par leur père aux termes de leurs contrats de mariage et de tous autres avantages pouvant résulter de tous actes et faits quelconques »
Et en conséquence :
« ils s'interdisent formellement de se faire aucune réclamation à l'égard des dites dots et avantages
Pour assurer l'égalité entre les héritiers il est d'usage de faire des lots de valeur identique quand les biens formant la succession le permettent, et de tirer au sort chaque lot.
Ainsi Gilbert Daguet, veuf de Catherine Gabard laboureur à Saint-Felix a 4 enfants, un fils et 3 filles mariées. En 1840 devant Maître Morand, Gilbert Daguet,
étant d'un âge avancé et voulant contribuer de son vivant au bien-être de ses enfants (les réunit) pour leur faire l'abandon et le partage de tous ses biens immeubles
Il possède une terre de 1,53 ha et 2 pièces de vigne. Pour partager entre les 4 enfants 4 lots sont constitués: 3 lots comprenant chacun 1/3 de la terre, et un lot comprenant les 2 pièces de vigne. Les 4 lots sont tirés au sort. Il s'agit cependant seulement de la nue-propriété, car le père se conserve l'usufruit des biens, jusqu'à son décès..
Le 31/01/1856 les 5 enfants Gournillat reçoivent devant Maître Chabanon, notaire au Mayet d'Ecole le partage des biens de leurs parents, c'est à dire la succession de leur père Marien Gournillat et la donation de leur mère Gilberte Aymard pour ses biens propres.
Il a été fait la liste des 2 masses, paternelle et maternelle, consistant en terres, et vignes et d'une maison avec jardin, cuvage et étable, tous situés au Mayet, dans différents secteurs (une seule terre est située à Brout Vernet) : 200 ares de terres, 30 ares de vignes.
L'ensemble a été partagé en 6 lots à peu près équivalents qui sont tirés au sort entre les 6 enfants.
Quand les biens formant la succession ne permettent pas de faire des lots les enfants reçoivent le bien en indivision, mais en général ils préfèrent vendre leur part à l'un d'entre eux. Ainsi le 01/03/1868 Gilbert Sarrazin et ses soeurs Catherine (décédée et représentée par ses enfants) et Marie vendent à leur soeur Gilberte épouse Favier leurs parts sur la terre et la vigne des Clouettes. Le prix de vente est fixé à 1250 francs, soit 337,50 francs pour chaque part. Les époux Favier paient comptant Gilbert Pillet, mari de Marie, et promettent de payer les 2 autres parts dans les 5 ans avec l'intérêt habituel de 5% par an.
problème de l'usufruit
Si le partage est fait du vivant des parents ou du parent survivant il ne s'agit souvent que de la nue-propriété, le parent conservant l'usufruit.
A cause de l'usufruit dont dispose le survivant, surtout s'il s'agit d'un remariage, la situation devient compliqué pour les héritiers...
Gilbert Sarrazin meurt à Billy le 16/12/1886. Il est âgé de 61 ans et époux de Agathe Coin et sans enfant. Ses héritiers sont ses 3 soeurs. Catherine, épouse de Gilbert, décédée en 1871 laisse 3 enfants qui héritent donc de la part de leur mère.
Mais la veuve de Gilbert selon leur contrat de mariage est donataire en usufruit de tous les biens qu'il laisse. Les héritiers ne peuvent donc obtenir que la nu-propriété, jusqu'à son décès.
L'inventaire est donc effectué, devant les héritiers, Agathe Coin promet de présenter fidèlement tous les objets de la succession, sans en détournant aucun.
- La maison en 1887 est constituée de 3 pièces, la première servant de cuisine , chacune avec une armoire, et un grenier. La maison est bien pourvue de meubles et ustensiles variés.Le mobilier a été évalué à 1049,75 francs
- Au moment du décès il n'y avait pas d'argent comptant.
- Il était dû (mais payés depuis par Agathe Coin):passif 228,50 francs dont les frais funéraires
- Au moment du mariage le futur avait apporté des mobiliers 900 francs
- la future avait apporté un trousseau pour un total de 1450 francs
- Il a été construit sur les biens propres du défunt une grange pour 1200 francs et des « étableries » pour 300 francs, ce qui donnera lieu à une récompense pour la veuve.
- Gilbert Sarrazin possédait, lui appartenant avant son mariage, une terre la Ruelle, une terre au Jablan, la maison d'habitation , jardin et terre (Morand Billy le 27/01/1856).
Agathe Coin et les héritiers de son mari se retrouvent devant Maître Grand les 13 et 14/03/1887 pour la liquidation et le partage. Elle fait valoir des reprises :
- son apport au mariage : 1450 francs
- la moitié de la construction de la grange et étableries 750 francs
- la moitié des 791 francs payés à M. Lacombe pour le reliquat de l'achat d'un bien propre à Gilbert Sarrazin soit 395,50 francs
- le mobilier a été évalué à 1049,75F
- le passif 228,50F
- La terre du Jablan appartenant à la communauté est évaluée à 2550 francs
Pour fournir à Agathe ses reprises, tout le mobilier lui est attribué, ainsi que la terre du Jablan, et elle doit 400 francs soit 133 francs à chaque « branche », qu'elle verse devant notaire.
Pour les biens attribués à la succession, comme Agathe Coin en a la jouissance, elle doit entretenir les bâtiments des réparations d'usage, les maintenir assurés. Elle doit également acquitter les impôts.
Les héritiers doivent se partager les biens : la maison située à Billy derrière la ville avec rez de chaussée et grenier 2400F, la grange nouvellement construite et l'établerie 1500 F.( Il est en effet fait un partage entre la maison et le terrain avec la grange), la terre du Jablan 2100F, la terre à la Ruelle 3000F, Soit 9000 F en tout.
Il est fait 3 lots, tirés au sort entre les 3 branches.
Le lot qui est échu aux 3 enfants Deverne contient
- la maison d'habitation , le jardin derrière, jusqu'au chemin de fer, la cour devant les 2 étableries les plus près et le puits qui sera mitoyen avec l'autre lot : l'ensemble évalué à 2400 francs
- une étendue de 14 ares de terre dans celle du Jablanc, avec droit de passage à perpétuité à pied et en voiture du propriétaire du second lot évaluée à 600 francs
le tout pour 3000 francs.
Le second lot échoit à Gilberte Sarrrazin épouse Favier :
- la grange jardin derrière pour environ 2 ares, jusqu'au chemin de fer, puits mitoyen avec le premier lot et établerie joignant la rue au coin de la grange 1500 francs
- le surplus de la terre du Jablanc numéro 3 de la masse pour une étendue de 34 ares pour 1500 francs
le tout pour 3000 francs.
Le 3ème lot va à Gilberte Sarrazin, femme Pillet
- la terre de Ruelle au numéro 4 de la masse de 42,80 ares estimé à 3000 francs.
Chacun se déclare «content et satisfait »
Mais les héritiers n'ont que de la nu-propriété, alors seulement après le décès d'Agathe Coin, ils pourront jouir de cet héritage....
lots fragmentés
Ces partages par lots égaux présentent des inconvénients et sont sources de problèmes ultérieurs...En effet, les terres, déjà plutôt petites sont divisées et chaque héritier reçoit alors des terres enclavées, source de conflits ultérieurs à propos des droits de passage.
En 1810 les 3 frères Gournillat, propriétaires au Mayet d'Ecole se partagent ainsi les biens laissés par leur père, en particulier une terre, en tiers. Dans les lot de Joseph se trouve un noyer, qui doit donc être arraché pour être partagé entre eux. Mais Jean répugne à la destruction de cet arbre intéressant, c'est pourquoi il décide de vendre son droit du tiers pour la somme de 30 francs, et il accepte
les incommodités du dit arbre comme n'étant pas à la distance voulue à ce qu'il serait par la loi sans pouvoir retailler ou détruire les racines et branches qui pourraient pencher dans sa terre.
En 1830 Jean Pimpart cultivateur au Mayet d'Ecole et sa soeur Marie épouse d'André Bardin cultivateurs à Brout, se partagent ainsi la succession de leurs parents constituée de 27 biens: une maison, écurie, 2 granges et des terres, prés, vignes entre 1 are et 25 ares.Les biens sont partagés.
Au moment du partage le frère et la soeur semblent bien s'entendre, mais par la suite les disputes peuvent apparaître...
Louise Brivat, la veuve de leur père, doit être logée, nourrie, vêtue, chauffée éclairée jusqu'à son décès, et recevoir 17,50 francs de chacun. Elle habitait avec son mari et Jean. Elle peut continuer à habiter dans la maison du père. Dans ce cas André Bardin paiera 120 francs à Jean pour l'indemniser.
Mais la maison a été tirée au sort par Marie.. Jean continuera à habiter la maison paternelle jusqu'au décès de Louise Brivat...
quand un des héritiers est déclaré incapable
Lorsque l'un des héritiers est déclaré incapable la situation se complique....
Ainsi pour la succession de Jacques Meunier, cultivateur à Saint Procule (commune de Saint Priest d'Andelot) entre ses 4 enfants, les héritiers ne peuvent que régler les conditions de la jouissance des biens laissés par leur père, car leur soeur Jeanne, admise à l'hospice de Gannat comme idiote est incapable de manifester sa volonté. La partage définitif ne pourra être fait que plus tard (à la mort de Jeanne)...
Ils attribuent à Jeanne le 1/4 d'une terre de 26 ares, mais comme elle ne peut en jouir elle-même, ils se partagent sa part.. Dans le cas où Jeanne ou ses ayants droits viendraient à réclamer sa part de jouissance ils y contribueront ...
succession et soins au parent âgé réglés en même temps
Quand le partage des biens est décidé en même temps que l'accord concernant l'entretien des parents (ou du parent) devenus incapables de subvenir à leurs besoins, les décisions peuvent paraître bizarres, car se mélangent la nécessité de l'égalité entre les enfants quant à la succession, et la participation de chacun à l'entretien du parent, qui peut être différente (voir les étapes de la vie paysanne/la vieillesse/les accords avec les enfants)
André Daguenet et Elisabeth Druelle ont 4 enfants adultes, tous laboureurs. Le père les réunit chez maître Morand le 14/01/1838 pour trouver un accord sur leur entretien, en s'appuyant sur les articles 1075 et 1076 du code civil.
Jusqu'à présent il était en société avec son gendre marié à sa fille Catherine au domaine d'Andrivaux (Crechy). Les parents âgés ne pouvant plus travailler ont quitté la société à la Saint-Martin 1837.Ils demeurent actuellement à Magnet auprès de leur fils François.
André et Elisabeth abandonnent tout ce qu'ils possèdent c'est à dire des meubles (un lit garni, une table et une armoire) et des ustensiles de ménage et d'agriculture, estimés à 150 francs et 150 francs comme portion comme colon du domaine Andrivaux, soit 300 francs. Ils en font donation à égalité entre les 4 enfants.
Mais en fait, les 300 francs n'existent pas en numéraire, ils ne peuvent donc pas être partagés pratiquement. De plus ils gardent l'usufruit sur leurs meubles.
De leur côté les enfants s'obligent à les loger, nourrir et soigner (...) sans exiger aucun travail d'eux. Mais
Il est à propos qu'un seul d'entre eux soit chargé de cette obligation sauf à recevoir une indemnité des autres.
Il s'agit de François, le fils aîné, métayer à Seuillet/Croidevaux, qui
pour toute indemnité aura les mobiliers ci-devant désignés et la récolte des Andrivaux (....)à la charge toutefois d'en faire la levée à ses frais, de payer les 25 francs d'impôts au sieur Berthomier, 6 francs à André Saulnier et de rendre 6 doubles décalitres de froment à Sebastien Daguenet.
(André Saulnier est le petit-fils, fils de Gilberte, veuve de Simon Saulnier, , il travaillait avec ses grands parents)
De cette manière François aura en pleine propriété les meubles de ses parents à leur décès et les autres enfants n'auront rien à prétendre.
Où est l'égalité entre les enfants?
François, l'ainé soigne ses parents, il reçoit 300 francs (sous forme de meubles et de récolte), mais il paie 31 francs dus par les parents, ainsi que le froment dû à Sebastien Daguenet, alors que les autres enfants ne participent pas à l'entretien de leurs parents, et ils ne reçoivent rien de la succession.
Elisabeth Druelle meurt le 30/09/1839 et André Daguenet le 02/09/1841 chez François, soit 2 ans et 4 ans de frais d'entretien pour le fils aîné....
Cette sorte d'accord, entre la succession et l'obligation d'entretien des parents semble être une spécialilté de maître Morand à Varennes, car un autre exemple a été trouvé le 18/02/1840. Suzanne Thierry, veuve de Gilbert Moreau, de Crechy, réunit des enfants devant le notaire:
- Gilbert, marié, qui vit avec sa mère à Crechy/Peux
- Marie épouse de Jean Talabard, laboureur métayer domaine chez Michalet à Saint Gerand de Vaux
- Rosalie épouse de François Frobert, aubergiste à Cusset
- Marie épouse de François Barnabé, propriétaire à Crechy
Quant à André, il est absent. Il a déjà reçu des objets quand il s'est séparé de sa mère Suzanne Thierry.
Les biens meubles de Suzanne sont évalués à 100 francs. Le fils Gilbert et les 3 gendres se chargent de soigner, nourrir et entretenir leur mère.
Gilbert sera le seul à s'en charger, et pour le récompenser il profitera au décès de sa mère de tous les effets mobiliers valant 100 francs.
Rien ne précise si cet accord a été imposé ou au contraire correspond au souhait de tous. ..;
Suzanne Thierry décède chez son fils Gilbert le 06/01/1845.